Le parcours inspirant d’un rétablissement tourné vers le monde.
Il s’appelle Bernard Saulnier. Au premier contact, on découvre un homme accueillant avec une énergie contagieuse. Derrière ce sourire se révèle un parcours inspirant marqué dès l’âge de 23 ans par des symptômes sans savoir que Bernard souffre de schizophrénie. « Pour moi, raconte-t-il doucement, ça se traduisait par beaucoup d’angoisses, beaucoup de douleurs et surtout d’hallucinations. Parfois, en voiture, je devais retenir les plaques d’immatriculation pour me protéger, convaincu que ma vie était en danger, qu’on voulait me tuer… J’ignorais de quoi il s’agissait. »
Ce n’est qu’après de longues années d’incertitudes que Bernard commence à comprendre et à accepter son état. « J’ai consulté, mais ce n’est pas simple de mettre des mots sur ce que tu vis. Je me souviens, je disais au médecin que j’avais mal à la tête, alors qu’en réalité, c’était une douleur profonde, comme si quelque chose se passait à l’intérieur de moi », ajoute-t-il avec un sourire songeur.
Une fois son diagnostic établi, cela ne l’a pas empêché de travailler. Il a eu toutes sortes de boulots, mais comme il dit si bien : « Vingt-six misères, vingt-six emplois… ».
À l’âge de 37 ans, Bernard décide de se prendre en main et de suivre un traitement pour améliorer et mieux comprendre son état psychologique. Il amorce ainsi son voyage vers le rétablissement avec le soutien des équipes de santé.
Pionnier dans la promotion du rétablissement
Alors qu’il vivait en appartement supervisé, Bernard a fait la rencontre, par l’intermédiaire de son intervenante, de Myra Piat, chercheuse en santé mentale de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et professeure adjointe en psychiatrie à l’Université McGill. Elle l’a intégré dans un groupe de recherche sur le vécu expérientiel de patients en santé mentale. « L’objectif était de vulgariser le rétablissement, se souvient Mme Piat. On voulait que monsieur et madame Tout-le-Monde partagent leur histoire. Pour Bernard, c’était un moment décisif. »
Bernard confirme qu’il a eu la piqûre et qu’il s’est impliqué à fond. « J’ai participé à plusieurs comités à l’Institut universitaire de santé mentale (IUSMM) en faisant part de mon expérience en santé mentale, » dit-il.
« J’avais commencé avec la mise sur pied du groupe Reprendre Pouvoir, soutenue par la Fondation de l’IUSMM, pour développer une démarche vers une psychiatrie citoyenne. Depuis quelques années, je m’implique également pour promouvoir les droits et l’autonomie des personnes touchées par des problèmes de santé mentale. À l’époque, le concept de rétablissement n’existait pas encore, » se remémore-t-il.
Passeport sur le monde
Prenant ses responsabilités à cœur, Bernard a poursuivi sur sa lancée pour s’impliquer davantage comme patient partenaire à l’IUSMM. « J’ai été un privilégié à l’époque, reconnaît Bernard. J’ai beaucoup voyagé pour parler de mon expérience. » Il a collaboré à différentes recherches sur les aînés et la santé mentale, dont des congrès à Milan et à Trieste en Italie.
Sa rencontre avec le docteur Franco Rotelli, successeur du docteur Franco Basaglia, un psychiatre italien qui a joué un rôle clé dans la fermeture des hôpitaux psychiatriques au profit des soins communautaires, a été un moment marquant. « À Milan, Franco Rotelli m’a encouragé en me disant que je réussirai à faire évoluer l’hôpital, » se souvient-il avec fierté.
Pas surprenant qu’il ait eu la piqûre pour devenir un globe-trotter. Pour des congrès, il s’est déplacé de Londres à la Guadeloupe, en passant par Lille. « J’ai connu ça tard, le voyage, précise Bernard. Découvrir le monde est une aventure, même si parfois ma condition me fait peur. » Ces périples ont été pour lui l’occasion d’écrire et de publier deux livres sur ses récits de voyage et son parcours de rétablissement.
Message d’espoir
Bernard s’évertue à bien communiquer son vécu afin de déstigmatiser la santé mentale. « J’ai fait part de mon expérience dans différents comités de direction et des groupes sociaux comme le Club Rotary. ». À chaque fois, c’est pour lui la possibilité d’être un modèle d’espoir, car le rétablissement est au cœur de sa démarche. Une approche qui rejoint tout le monde. « Différents professionnels, dont des ergothérapeutes, m’ont déjà invité à en parler à leurs patients, explique-t-il. Ironiquement, toutes ces rencontres de partage me font aussi du bien. Je me rétablis en les faisant. »
Et ça continue
Actuellement formateur certifié au Centre d’apprentissage santé et rétablissement (CASR) basé sur le modèle du Recovery College, Bernard, auteur du blogue le goulag, poursuit son combat contre la stigmatisation. « Il est crucial de défendre nos droits tout en respectant nos devoirs », résume-t-il. Bernard Saulnier est un exemple vivant de rétablissement marqué par un enthousiasme et une détermination qui inspirent.
Tapez son nom sur Google pour découvrir sa participation à différents reportages de Radio-Canada. « Si vous me croisez, n’hésitez pas à venir me saluer! s’exclame-t-il. Je suis toujours heureux d’apprendre. Pour moi, le rétablissement, c’est la plus belle aventure que le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal m’a offerte. Je remercie tout ce monde que j’ai croisé et que je croise encore. Comme me disait Michel Blais, un ami cher : en groupe on est plus fort. À la prochaine! »
Interpréter Nelligan, pourquoi pas?
L’Institut a offert à Bernard des occasions inattendues, comme monter sur scène au Théâtre du Nouveau Monde avec des comédiens aguerris. Comme un scout, il est toujours prêt pour la cause. « J’en reviens au rétablissement, ajoute Bernard. Comment c’est important de savoir que c’est possible d’y arriver. Le rétablissement implique des changements de vie. C’est parfois difficile, mais ça vaut la peine », affirme-t-il avec conviction.
Écoutez Bernard Saulnier et Jessica Sarraf : deux patients partenaires de l’IUSMM ont interprété le poème Le Vaisseau d’or d’Émile Nelligan accompagné des comédiens Marc Hervieux et Linda Sorgini.
Depuis plus de dix ans, le Théâtre du Nouveau-Monde (TNM) offre un espace de parole et de création à des personnes qui vivent avec l’aphasie ou des problèmes de santé mentale. Initié par Lorraine Pintal, ce programme place l’écriture et le jeu dramatique au service du rétablissement.
Le projet qui a transformé son regard sur la vie
En 2011, Bernard a pris part à une initiative marquante dirigée par la chercheuse Myra Piat. Il s’agissait d’un projet novateur visant à partager des témoignages de rétablissement. Ce groupe, l’un des premiers au Québec, a ouvert la voie, démontrant aux personnes souffrant de maladie mentale qu’il est possible de mener une vie normale et de reprendre le contrôle de son destin.
Voyez l’entrevue de l’époque ici.
« J’ai été très touchée qu’il se souvienne de moi », a dit Myra en se rappelant cette période.
FAITES COMME BERNARD, IMPLIQUEZ-VOUS!
L’Espace partenaires en santé mentale, coordonné par le Bureau de la mission universitaire de l’IUSMM, offre un service de valorisation et de mobilisation des savoirs expérientiels (tirés du vécu avec la maladie) par l’accompagnement de patients et de proches partenaires dans des projets et des activités de la Direction des programmes santé mentale, dépendance et itinérance (DPSMDI). Patients et proches partenaires enrichissent les connaissances par le partage de leur vécu et contribuent à l’amélioration des soins et des services en santé mentale.
Pour plus d’informations ou pour impliquer un patient ou un proche partenaire en santé mentale, contacter l’équipe à l’adresse courriel : partenariat.patient.dpsmdi.cemtl@ssss.gouv.qc.ca
La chercheuse Myra Piat poursuit son travail vers le rétablissement en santé mentale avec une nouvelle initiative. Découvrez la boîte à outils De la parole à l’action et comment elle peut être utilisée pour faire avancer la mise en œuvre du rétablissement en santé mentale dans les services.