J’ai rencontré Philippe Vincent à la pharmacie de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, au sous-sol du pavillon Bourget. Pour le pharmacien et professeur de pharmacie à l’Université de Montréal, cette profession joue un rôle important dans la prévention du suicide.
Dans une pharmacie de quartier, le pharmacien peut voir de nombreux patients chaque jour. C’est en enseignant à des futurs pharmaciens que Philippe Vincent comprend l’importance de la vigilance professionnelle. «Les pharmaciens n’avaient aucune formation sur le suicide. Pourtant, de nombreux patients peuvent être en détresse lorsqu’ils vont chercher leurs médicaments.»
Les trois rôles des médicaments
Il explique que les médicaments peuvent jouer trois rôles en lien avec le suicide : ils peuvent le prévenir lorsque la médication est adéquate, ils peuvent augmenter les risques et peuvent même servir de poison.
«C’est important pour le pharmacien de connaître ces rôles et de savoir les reconnaître dans la pratique quotidienne», pense-t-il.
- 76% des hospitalisations pour intoxication impliquaient des médicaments d’ordonnance.
- Les médicaments sont responsables du décès dans 18% des suicides au Québec (2001-2010).
- Pour 92% de ces décès, les responsables sont les médicaments d’ordonnance du système nerveux central (SNC).
Un rôle de surveillance
L’éducation des rôles du médicament est importante pour les nouveaux pharmaciens, mais aussi le rôle de surveillance. «En pharmacie communautaire, on peut voir si la thérapie médicamenteuse fonctionne, et si les effets secondaires sont présents.»
Avec les outils de l’Association québécoise de prévention du suicide, Philippe Vincent a développé une formation en intervention afin d’aider les pharmaciens à faire un triage vers les bonnes ressources en santé mentale.
« Ils peuvent donc devenir eux-aussi des sentinelles non officielles en prévention du suicide.» Il arrive même parfois que le pharmacien signale le 1-866-APPELLE dans le bureau et tend le combiné au patient. «À la maîtrise en pharmacie (pour travailler en établissement de santé), la moitié des étudiants sont intervenus en santé mentale.»
Un devoir marquant
D’ailleurs, Philippe raconte qu’il donne un cours en perfectionnement en ligne sur la santé mentale pour les pharmaciens en exercice. Les participants avaient à remplir avec des patients qui avaient de la médication pour des troubles de santé mentales le formulaire PHQ9.
Certains patients sont partis à l’urgence en ambulance, d’autres ont été référés à leur médecin traitant, la moitié ont reçu un appel de suivi de la part du pharmacien une semaine plus tard.
«La majorité dit avoir été changé par le devoir.»
Philippe Vincent, pharmacien à l’IUSMM et professeur de pharmacie à l’Université de Montréal
La technologie au service de la relation professionnel – patient
Philippe Vincent vient de recevoir une bourse de la Canadian Foundation for Pharmacy afin de mettre cet exercice du formulaire PHQ9 en pratique plus facilement.
Avec le soutien du Centre Axel, une application sera développée afin que les patients suivis puissent remplir à distance le formulaire. Les pharmaciens recevront les résultats et s’ils devraient attirer l’attention, l’application les notifiera.
Trois cent patients seront recrutés pour participer à cette étude de six mois. Ils seront divisés en trois groupes afin de dégager des conclusions sur l’utilité des notifications au pharmacien.
Un projet à suivre!