À une époque pas si lointaine, l’automne était signe de dur labeur pour toute la communauté de Saint-Jean-de-Dieu. La moisson battait son plein et il fallait tous mettre la main à la pâte.
«Il fallait bien nourrir, jour après jour, les quelque 2,000 citoyens qui y vivaient et y travaillaient à la fois tenaces et heureux», dit le livre Un héritage de courage et d’amour, 1873-1973, ou, La petite histoire de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Longue Pointe. C’était en 1901, l’année où on terminait la construction des bâtiments de pierre encore érigés aujourd’hui.
Une ville en autarcie
Jusqu’à la fin des années 1960, les Soeurs de la Providence, gestionnaires de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, opéraient une impressionnante ferme dont les limites allaient bien plus loin que le terrain actuel de l’hôpital. Et c’est pour dire… La porcherie, qui abritait plus de 300 porcs en 1924, était située où se trouve aujourd’hui l’entrepôt de la SAQ, rue des Futailles.
Une partie des jardins était consacrée à la culture maraîchère. Les patients participaient d’ailleurs au travail de la terre. On croyait à l’époque que l’urbanité était la cause des problèmes de santé mentale et un retour à la terre bénéfique pour le rétablissement.
« Ces jardins sont cultivés par les patients : les pensionnaires tranquilles sont employés aux sarclage, semis, cueillette, arrosage, bêchage et aux travaux de la ferme, labours, semailles, moissons et transport des engrais. Ce travail exige une très grande surveillance et ne «laisse pas que d’entraîner de grands mécomptes et parfois des retards préjudiciables». Mais la plupart des aliénistes recommandent la cure par le travail qui, dit-on, diminue la surexcitation nerveuse et est favorable au bon fonctionnement des organes. »
Un héritage de courage et d’amour, 1873-1973, ou, La petite histoire de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Longue Pointe
Les hommes et les femmes
Si le rôle des hommes était de travailler dans les champs, les femmes travaillaient à la couture… et à l’équeutage de fraises! Ancien collègue, Marcel m’a raconté son périple de traverser le long couloir d’ouest en est pour récupérer des immenses tonneaux remplis de fraises destinées à la cuisine centrale. Il allait chercher des tonneaux au pavillon Nelligan, le pavillon où les femmes étaient hébergées, puisqu’elles étaient responsables de les équeuter.
ll y avait aussi la culture des fruits et la production de plantes médicinales comme l’aconit et la belladone. « La variété des fruits est immense : pieds de fraisiers, de groseilliers, de gadelliers, de cassis, de framboisiers par milliers; plusieurs treilles de vignes et beaucoup de pommiers.» On mentionne dans les livres qu’en 1891, on fabrique quelque « 9,000 livres de confitures et quantité de vins de gadelle ».
Un territoire immense
La municipalité de la paroisse de Saint-Jean-de-Dieu était délimitée par l’axe de la rue des Futailles, la montée Saint-Léonard (Autoroute 25), le fleuve et la limite d’Anjou, quelques dizaines de mètres au nord de la rue Pierre-Corneille.
La Deuxième Guerre mondiale a sonné la liquidation des terres autour de l’hôpital. La Place Versailles en 1958 jusqu’à la fin des années 1990. En 1963, la porcherie est vendue au Gouvernement du Québec afin de construire un entrepôt pour la Commission des liqueurs (SAQ). L’immeuble a été démoli en 1967.
En soi, le démantèlement de la ferme n’est aucunement associé à la construction du pont-tunnel. Une fois les parcelles vendues à des fins industrielles, elles ont été annexées par Montréal. La carte ci-haut montre les annexions à la Ville de Montréal réalisées entre 1883 et 1909.
Merci à William Gaudry, de l’Atelier d’histoire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve pour la collaboration!
À voir: Canal Savoir diffusait récemment un reportage sur l’histoire de Saint-Jean-de-Dieu.