J’ai reçu une invitation de Marie-Pier Ratel pour visiter une ressource d’hébergement en santé mentale, hors des murs de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Éducatrice spécialisée de formation, elle voulait souligner le travail de ces intervenants terrain pendant la pandémie, avec une des clientèles les plus vulnérables.

Je visite ce foyer de groupe d’une rue tranquille de Mercier. De l’extérieur, le duplex ne laisse aucune trace d’un hébergement spécifique. Dans l’entrée, un lapin nous accueille. Les neuf résidents ont entre 18 et 25 ans. Ils ont un suivi psychiatrique et un suivi social. Ce foyer de groupe est leur première étape pour réintégrer la communauté après un épisode difficile de leur vie.

Accompagner dans le quotidien

Marie-Pier Ratel, comme Marjorie, Véronique, accompagne les jeunes dans leur quotidien. Depuis le début de la pandémie, le confinement est difficile. Imaginez vivre confinés avec des gens qui ne sont pas votre famille! Et en plus, impossible de voir vos proches.

Dans la pandémie, Marie-Pier perçoit que le rôle d’éducatrice spécialisée s’est dénaturé. «Le confinement a été difficile parce que les consignes allaient à l’encontre de nos valeurs d’intervention, explique Marie-Pier. On les pousse normalement à sortir pour trouver des activités à faire dans la communauté, à développer leur autonomie pour reprendre confiance. Du jour au lendemain, il fallait les garder à l’intérieur.»

Faire preuve de créativité

Les éducateurs ont dû redoubler les rencontres individuelles pour s’assurer que tous les résidents s’adaptaient à la situation. «Il fallait amoindrir l’impact des mesures de contrôle et les protocoles, les soutenir dans ce grand déséquilibre. Il a fallu être très créatif», dit-elle avec un essoufflement dans la voix.

Véronique, éducatrice spécialisée, a constaté que le plus difficile a été la coupure de la famille. «Ils étaient habitués d’aller voir leur famille pendant la fin de semaine. C’était une bouée pour eux. Ils avaient aussi des responsabilités comme de cuisiner. Tout ça a été suspendu. La vie de groupe, confinés 24 heures sur 24, a été plus difficile.» Les stratégies habituelles pour gérer leurs émotions n’étaient plus possibles.

Le garage, qui est la réserve de nourriture de la ressource, déborde aussi de vaisselle et d’outils pour cuisiner depuis la pandémie.

Une détresse contagieuse

Les éducatrices de la ressource d’hébergement ont fait face à de nombreux défis pendant le confinement. «C’est difficile de les voir en confinement. C’est vivre un grand sentiment d’impuissance de devoir faire l’inverse de ce qu’on fait habituellement», explique Geneviève Phaneuf, responsable d’unité de vie/résidence Paul-Pau et le Ponceau.

Souvent, ces jeunes ont aussi des problèmes de santé physique ou ont des traitements médicaux qui les mettent à risque. «Si on les laissait sortir, l’éclosion aurait pu être dangereuse pour certains résidents.»

Ils ont aussi perdu leurs tâches occupationnelles comme faire à manger à tour de rôle. La vaisselle a été rangée dans ce qu’on appelle le garage, un endroit sous clé où sont rangées les réserves de nourriture.

Le travail d’une éducatrice spécialisée est le vécu partagé. Quand ils vivent une détresse, on la vit avec eux, au quotidien. Il faut être capable de donner le flambeau à un autre intervenant quand c’est nécessaire. Le travail d’équipe a été particulièrement précieux.

Marie-Pier Ratel, spécialiste en activités cliniques par intérim pour huit ressources d’hébergement

Une opportunité d’apprendre

Même si le confinement a comporté plusieurs défis, les éducatrices ont trouvé des opportunités d’accompagner les jeunes dans d’autres éléments de leur vie, notamment dans le numérique. On leur a montré comment avoir accès à leur compte de banque en ligne, comment faire du magasinage en ligne, prendre des rendez-vous en ligne.

Les jeunes peuvent maintenant sortir de la ressource, retrouver une certaine autonomie dans leurs déplacements et leurs activités. Si certains restent anxieux de la COVID-19, ils sont tous heureux de pouvoir sortir! Comme Mirlande le démontre si bien sur la photo!

Photo de couverture: Véronique Valois, Geneviève Phaneuf, Marjorie Apestiguy et Marie-Pier Ratel (en ordre de gauche à droite) et Mirlande à l’avant-plan

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