Il est 17h. J’arrive à l’urgence de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont pour passer quelques heures avec Kathleen Poulin, infirmière à l’urgence depuis six ans. À mon arrivée, je constate que la soirée sera mouvementée…

«J’ai commencé comme CEPI (candidate à l’exercice de la profession infirmière) ici à l’urgence. Je ne suis jamais partie. On est une belle équipe. On se soutient. On est là l’un pour l’autre. C’est précieux», mentionne d’emblée Kathleen. Pour elle, son équipe fait la différence dans ses journées de travail à l’urgence.

Une première ambulance arrive. Kathleen prend les signes vitaux. La communication est claire et concise avec les ambulanciers pour assurer d’avoir toutes les informations pour diriger le patient vers les meilleurs soins. La collégialité avec les ambulanciers est palpable. «Tu observes la meilleure infirmière!», dit l’un des ambulanciers, le regard taquin en quittant.

«On les voit tous les jours. Ils sont autant nos collègues de travail que les autres infirmières et le personnel de l’urgence. On développe des liens d’amitié avec les ambulanciers, même en dehors du travail», mentionne Kathleen.

L’expérience du triage

Pour être infirmière au triage de l’urgence, il faut avoir vu les autres services. «On voit tellement de choses différentes. On est le premier contact du patient et on doit évaluer sa condition correctement pour lui accorder le niveau de priorité adéquat. Il faut avoir vu beaucoup de cas pour avoir un jugement clinique aiguisé», explique Kathleen. Ainsi, c’est seulement après trois ans à l’urgence qu’elle s’est sentie prête à faire du triage.

«Ça m’arrive souvent d’aller voir ce que sont devenus les patients que j’ai triés. C’est comme ça que j’aiguise mon jugement clinique.»

Kathleen Poulin, infirmière au triage de l’urgence à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont

Le triage peut être émotionnellement difficile, parfois. «C’est sûr que certains cas nous touchent plus que d’autres, surtout quand on peut les relier à notre vie personnelle», affirme Kathleen. Et c’est ainsi que le soutien de ses collègues devient essentiel pour désamorcer ces moments plus difficiles.

Des priorités pour mieux soigner

Comme à l’Hôpital Santa Cabrini Ospedale, un système informatique soutient les infirmières au triage dans leurs décisions. Reste qu’elles ont le dernier mot sur le niveau de priorité de la personne devant elles. «Le logiciel de priorisation fonctionne selon les signes vitaux et les symptômes. En étant le plus précis possible dans les données, on peut mieux orienter le patient dans les soins dont il a besoin», explique Kathleen, ajoutant que le jugement clinique reste la qualité la plus importante, au-delà du logiciel.

Kathleen constate qu’il faille encore faire de l’enseignement auprès de la population. Beaucoup de gens se présentent aux urgences alors que leur état de santé pourrait être pris en charge en clinique sans rendez-vous, par leur médecin de famille, en CLSC ou même en pharmacie. «Les parents inquiets pour une fièvre de leur enfant ne vont pas vouloir s’en aller, même s’ils ont rendez-vous à la clinique le lendemain. Il faut faire beaucoup d’enseignement et les rassurer.»

Un système de réorientation vers les cliniques partenaires permet de désengorger un peu l’urgence. Ainsi, les patients qui ont une cote P4 ou P5 (problème de santé non-urgent) peuvent recevoir un rendez-vous dans une clinique le lendemain. La clinique recevra l’information recueillie au triage et le patient quitte l’urgence avec sa confirmation de rendez-vous. «Ça fonctionne vraiment bien. Ça nous aide beaucoup à désengorger et mettre nos énergies auprès des patients qui ont vraiment des conditions de santé urgentes», explique-t-elle.

Des mythes qui ont la vie dure

Kathleen entend souvent parler de mythes sur la visite aux urgences. Le plus récalcitrant est celui qui dit que d’arriver à l’urgence en ambulance va permettre de passer plus rapidement.

«Le processus de triage est le même, sauf si la personne est en arrêt cardio-respiratoire ou en danger de mort. Les ambulanciers doivent prendre un numéro et le patient passera au triage, comme les autres», affirme Kathleen.

Depuis le début de la pandémie, les patients présentant des symptômes d’allure grippale sont dirigés vers le triage chaud. «Il y a une salle d’attente différente aussi pour éviter la possible contamination à la COVID dans la salle d’attente de l’urgence», confirme l’infirmière.

Elle constate que le soir est souvent le moment le plus achalandé à l’urgence. En moins d’une heure trente ce soir-là, quinze patients ont été couchés sur une civière de par leur condition de santé. À mon départ, à 23h, toutes les civières de l’urgence sont occupées.

Un quotidien jamais pareil

Mais c’est le quotidien de Kathleen et ses collègues. Professionnelles malgré l’urgence et la pression, elles rassurent les patients en les regardant dans les yeux, en leur expliquant ce qui va arriver. À chaque fois qu’un patient quitte pour la salle d’attente, Kathleen mentionne : «Si votre condition change, n’hésitez pas à prendre un numéro pour qu’on réévalue votre condition. Il pourrait y avoir un changement de priorité.»

Le calme posé de Kathleen est déconcertant tout au long de la soirée. Si bien qu’à un moment, une patiente, qui a aussi remarqué, lui dit: «Ça fait du bien quand on voit du monde gentil». La patiente quitte la salle de triage. Le silence plane quelques secondes. Kathleen dit, en souriant, visiblement émue: «C’est n’est pas pour ça qu’on fait notre travail, mais ça fait toujours du bien de l’entendre».

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