Depuis le début de l’année 2021, 10 féminicides ont eu lieu au Québec, alors qu’en 2020, 8 femmes au total ont perdu la vie entre les mains d’un conjoint/ex-conjoint violent. Dans cette triste liste, on compte une employée du CIUSSS qui a été poignardée à mort dans le véhicule de taxi de son conjoint en mars dernier. 

Devant ce fléau grandissant, le Centre d’excellence multidisciplinaire (CEM) a tenu à organiser une conférence sur le sujet de la violence conjugale. La présentation a été animée par Jean-Thierry Popieul et Catherine Robert Durand qui travaillent pour les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC). Résumé de la conférence.

En quoi est-il important d’utiliser le terme « féminicide » ?

Certains ont tendance à utiliser le terme « drame conjugal » ou « drame familial » comme s’il y avait une faute partagée dans le couple, mais le terme exact à utiliser lorsqu’un homme tue sa conjointe est « féminicide ». La personne a été tuée parce qu’elle est une femme et il est important de faire la distinction. Évidemment, la violence conjugale peut concerner des hommes également, elle peut aussi être présente dans un couple du même sexe, mais les statistiques démontrent que ce sont davantage les femmes qui meurent entre les mains de leur conjoint. Au Québec, un crime sur trois concerne la violence conjugale.

Savoir distinguer la violence conjugale de la chicane de couple

Pour reconnaître la violence conjugale, il faut d’abord connaître sa définition :

« La violence conjugale est un exercice abusif de pouvoir par lequel un individu en position de force cherche à contrôler une autre personne en utilisant des moyens de différents ordres afin de la maintenir dans un état d’infériorité ou de l’obliger à adopter des comportements conformes à ses désirs à lui.» (CRI-VIFF, 1995)

« Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extramaritale ou amoureuse, à tous les âges de la vie.» (Gouvernement du Québec, 1995)

La violence conjugale représente des moments de colère et de frustration, des paroles blessantes, des propos dénigrants et d’autres comportements agressifs. Les épisodes de violence conjugale s’insèrent dans un cycle répétitif où l’un des partenaires contrôle et domine l’autre. Cette recherche de contrôle et de pouvoir sur l’autre persiste dans le temps. La peur des réactions, des conséquences ou des représailles ainsi que le sentiment d’impuissance sont des indices importants pour distinguer la violence conjugale.

Le cycle de la violence conjugale

Les experts ont divisé la violence conjugale en un cycle composé de 4 phases :

  • Phase 1 : représente un climat de tension où la victime marche sur des œufs, elle essaye d’éviter le conflit et de se faire discrète.
  • Phase 2 : il s’agit du moment où la violence explose à l’encontre de la victime.
  • Phase 3 : après l’explosion de colère, le conjoint violent utilise des techniques de manipulation pour justifier son geste, il essaye de minimiser les faits ou même de faire porter la faute sur sa victime.
  • Phase 4 : il s’agit de la dernière étape où l’agresseur demande pardon et essaye de faire oublier l’épisode violent.

Il faut savoir que plus la violence augmente, plus le cycle rétrécit. On peut alors se demander pourquoi la victime ne part pas, pourquoi elle reste avec un conjoint violent?

Ce n’est pas aussi simple. La victime est investie avec cette personne financièrement, ils peuvent avoir des enfants en commun. De plus, lorsque la victime a rencontré son conjoint, il n’était pas violent, elle se rattache à cette image. Il n’est donc pas simple de partir. Les statistiques démontrent que les victimes essayent de partir 7 à 8 fois avant de réussir à partir définitivement.  

Les types de violence conjugale

La violence conjugale peut prendre plusieurs formes : elle peut être psychologique (dévalorisation, mépris, isolement social, violence sur les objets, les animaux …), verbale (insultes, hurlements, propos dégradants, chantage, menaces…), physique (coups, bousculades, morsures, brûlures…), sexuelle (agressions, attouchements, imposition d’actes dégradants, de pratiques sexuelles non désirées, viol conjugal…), économique (privation ou contrôle des ressources financières et matérielles, interdiction de travailler, dépenses excessives qui mettent en péril le budget familial…).

L’escalade de la violence commence généralement par de la violence psychologique et finit par l’homicide de la victime ainsi que le suicide du conjoint violent. Il arrive que les enfants du couple fassent les frais de la violence conjugale, comme nous l’avons vu dans plusieurs affaires.  

Des signes qui ne trompent pas

  • Changement d’attitude de la victime.
  • Des bleus ou des blessures sur le corps.
  • Renfermée sur soi-même.
  • Harcèlement (recevoir beaucoup d’appels du conjoint, la victime s’isole pour prendre les appels, le conjoint se présente à plusieurs reprises au travail…).
  • Stressée lors d’un imprévu (comme de devoir travailler plus tard).
  • Une impression de contrôle même quand le conjoint n’est pas là.

La victime sera d’autant plus en danger si des armes se trouvent dans la maison, si des menaces ont été proférées à son encontre ou à l’encontre de ses enfants avec une arme, si des bris matériels ont eu lieu (mur défoncé, objets lancés, meubles brisés), si le conjoint est violent en public, s’il fait usage de la drogue ou de l’alcool, s’il a un tempérament jaloux, si la victime est harcelée au cours de la relation ou après la rupture (la victime est suivie, espionnée, reçoit des appels non désirés), si le conjoint a déjà menacé de se suicider ou en a eu l’intention, si la victime reçoit des menaces de mort ou qu’elle croit son conjoint capable de la tuer… ces signes ne trompent pas !

Comment aider une personne victime de violence conjugale ?

Si une personne est victime de violence conjugale, il est important de demeurer présent dans sa vie. Faites attention à vos contacts avec le conjoint violent, car il essayera de vous mettre de son côté. Soyez conscient du potentiel danger et essayez d’aider la victime à se faire sa propre idée de la situation. Soutenez-la dans la reprise de pouvoir sur sa vie et informez-la des ressources en violence conjugale existantes. Surtout, valider vos intentions auprès de la victime avant de vous impliquer dans sa vie.

Une personne victime de violence conjugale a besoin de se sentir en sécurité, de pouvoir compter sur des personnes de confiance. Elle a besoin d’augmenter sa confiance en elle et en son environnement, d’augmenter son sentiment de reprise de contrôle sur sa vie, de reconnecter avec ses besoins pratiques liés à ses habitudes de vie à court terme, de pouvoir compter sur des références rassurantes. Elle aura aussi besoin d’être soutenue dans son processus afin de faire des choix éclairés.

Des ressources existent, que vous soyez le proche ou la victime…

SOS violence conjugale

1 800 363-9010

Les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC)

1 866 532-2822

Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et la violence faite aux femmes (CALACS)

1 888 933-9007

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