Dr Jonathan Lévesque et Dr Karine Chagnon sont pneumologues à l’HMR. Ils travaillent tous deux en zone rouge depuis le début de la pandémie. Ils remarquent des différences dans cette quatrième vague…

«La plus grosse différence dans cette vague, c’est que les gens qui sont hospitalisés sont en grande majorité des gens qui ne sont pas vaccinés», lance Dr Lévesque, d’emblée. Il admet que certaines personnes doublement vaccinées sont également hospitalisées. «Les gens vaccinés qui sont hospitalisés pour la COVID-19 ont besoin d’oxygène temporairement. Ce sont souvent des gens immunosupprimés ou plus âgés. Leur système immunitaire n’a pas répondu de la même façon au vaccin. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on offre en ce moment une troisième dose à ces personnes.»

Dr Lévesque voit chaque jour des gens dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine, en forme et en santé, hospitalisés à cause de la COVID. «On ne voyait pas ça dans les autres vagues. Pourquoi? Parce que le Delta est plus fort. Il touche les gens plus jeunes et plus en forme. S’ils l’attrapent, ils sont plus malades», explique-t-il.

Dr Chagnon constate la même chose. «On voit un changement de portrait clinique dans cette vague-ci. Quand on est hospitalisé à 20 ou 30 ans, ça veut dire qu’on est très malade! Et c’est la norme en ce moment. Alors que les autres vagues, les gens hospitalisés de moins de 50 ans étaient rares», ajoute-t-elle.

Autant de raisons

Dr Lévesque observe un portrait récurrent des gens hospitalisés, non-vaccinés. «Certains ont peur de la vaccination. Ils se disent qu’ils n’en ont pas besoin parce qu’ils sont en santé. D’autres n’ont juste pas pris le temps de se faire vacciner dans la routine quotidienne. Ils ne voient pas le virus comme une menace, juste une petite grippe», constate Dr Lévesque.

Dr Lévesque mentionne aussi ceux qui craignent les effets secondaires de la vaccination. «Les effets secondaires graves de la vaccination sont rares. Il y a davantage de risques d’avoir des complications de la COVID que d’effets secondaires de la vaccination.»

Dr Chagnon, pour sa part, mentionne que la vaccination est la seule porte de sortie de cette pandémie. «Regardez ce qui se passe en Alberta. Le taux de vaccination est bas dans certaines régions et c’est là où les cas sont en hausse, les hôpitaux sont pleins. La vaccination fonctionne pour diminuer le nombre et la sévérité des cas.»

Les effets de la COVID longue

Dr Lévesque mentionne d’ailleurs la COVID longue comme complication. «Il y a la COVID aiguë, mais aussi la forme chronique. On ne sait pas comment le virus peut réagir avec chaque personne. On voit des gens avec une toux récurrente, des essoufflements, une grande fatigue, de l’insomnie, une perte d’odorat et de goût pendant plusieurs mois. Ça peut être très incapacitant.»

En tant que pneumologue, il constate aussi ce qu’on appelle une fibrose sur les poumons. «C’est comme une cicatrice, ça ne guérit pas. Le poumon avec une fibrose devient comme une éponge de cuisine qu’on laisse sécher toute la nuit sur le comptoir: ratatiné et amoindri. Même mouillé, le poumon ne reprendra pas sa forme initiale.»

Dr Chagnon admet qu’elle ne voudrait pas attraper ce variant qui est beaucoup plus agressif que le virus des dernières vagues. «Les gens avec la COVID sont hospitalisés pour des pneumonies sévères qui laissent des marques sur les poumons. Ces fibroses ne sont pas uniques à la COVID, j’ai vu des patients avec le H1N1 avec des séquelles comme ça. Mais ce qui est propre à la COVID, c’est le nombre de cas avec de telles séquelles. Ils sont beaucoup plus nombreux!»

Choix personnel, conséquences collectives

Les deux pneumologues sont catégoriques. La vaccination n’a pas comme unique but de protéger individuellement. La vaccination diminue aussi la contagion. «Même vacciné, on peut attraper la COVID. Par contre, le virus sera moins fort chez les vaccinés. Donc, ce sera juste une grippe ou des symptômes légers pour quelqu’un qui a été vacciné. La vaccination protège des formes graves de la maladie», affirme Dr Lévesque.

Dr Chagnon ajoute également que le risque de contagion chez les non-vaccinés donne la chance au virus de créer d’autres variants. «Plus on sera à être vaccinés, plus on évite le développement de variants qui pourraient être dommageables.»

Dr Chagnon est déçue de voir qu’une solution de prévention à la maladie existe, mais que certains choisissent de ne pas s’en prémunir. «Chaque personne hospitalisée pour la COVID prend la place d’une autre personne malade qui a besoin de soins. On met de côté des patients en attente de soins pour s’occuper des gens avec la COVID. La décision d’une personne non vaccinée a un impact sur d’autres personnes malades», dit-elle, ajoutant que la situation amène son lot de frustrations et un sentiment d’injustice.

Elle s’empresse de mentionner qu’une fois couchée dans un lit, une personne hospitalisée pour la COVID aura les mêmes soins, vaccinée ou non. «On ne veut pas être moralisateur. Je fais mon travail de soigner des gens. Je ne suis pas là pour juger de leurs choix, leurs habitudes de vie.»

Dr Lévesque rappelle que les travailleurs de la santé ont une responsabilité de protéger les patients qui se présentent dans nos installations. «La vaccination est pour se protéger soi, comme travailleur de la santé, mais nous avons aussi la responsabilité de protéger ceux qu’on traite. C’est la raison pour laquelle on travaille en santé», rappelle-t-il.

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