Le témoignage poignant d’un homme qui a échappé au suicide pour se tourner vers l’espoir.
Pour la Journée de la prévention du suicide, Claude (prénom fictif) a dévoilé le récit bouleversant de son drame dans l’espoir de sensibiliser les gens à demander de l’aide. Il était accompagné d’Érik Beauregard, travailleur social de l’équipe mobile Résolution à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). Érik a été un pilier essentiel dans son cheminement. « J’ai rencontré différents intervenants, tous compétents, mais avec Érik, la confiance a été immédiate », affirme Claude.
Un air de déjà-vu
À l’aube de la soixantaine, cet administrateur dans le domaine de la santé est passé à un cheveu de commettre l’irréparable. « Dix ans plus tôt, j’avais traversé une dépression, Je savais ce qui m’attendait » précise Claude. Connaissant bien les ressources du réseau de la santé, il a réagi rapidement : consultations, antidépresseurs, tout y est passé. Mais cette fois, la médication seule n’a pas suffi à le sortir de son désespoir.
L’origine du mal
Le déclic : une rupture amoureuse inattendue. Après 36 ans de vie commune, son premier amour a mis fin à leur relation de manière abrupte pendant la période des Fêtes. « Je me suis dit… Oh non, il était le centre de mon univers, confie Claude avec émotion. Je savais que la dépression allait me frapper et que ça serait difficile de m’accrocher à la vie. » Érik confirme l’ampleur de sa détresse. Claude revient de loin. De très loin. « Quand je suis arrivé, précise-t-il calmement, il y avait une souffrance extrême. Il avait déjà tout planifié : comment et où s’enlever la vie et il n’y avait aucun moyen de l’en empêcher. »
Une vigilance constante
On ne pouvait pas l’empêcher de commettre l’acte, car son plan suicidaire, dans son ancienne demeure à la campagne, se trouvait hors de portée des intervenants. Il fallait redoubler de vigilance pour éviter toute tragédie. « Je savais que je risquais gros quand je voyais mon ex-conjoint ou si j’allais dans notre maison à la campagne, explique Claude, la voix tremblante. Et là-bas, m’isoler, c’était la mort assurée! Pour éviter le geste de trop, Érik et Claude organisaient rapidement des rencontres quand la situation l’exigeait. Érik comprenait parfaitement les risques. « Chez Résolution, nous avons une ligne de crise, où l’on est en contact avec quelqu’un en moins de cinq secondes. Ça peut faire toute la différence quand une impulsion ou une émotion intense peut nous faire passer à l’acte. » Des intervenants se tenaient toujours disponibles pour les moments de crise de Claude. Si ce dernier n’appelait pas Résolution à l’heure prévue, le protocole de non-réponse s’enclenchait aussitôt. Ce système permet une intervention rapide en cas d’urgence.
La force des autres
En dépit de sa dépression, Claude a continué à travailler, pleurant dans l’intimité de son bureau lorsqu’il ne tenait plus. « Ma gestionnaire a été extrêmement empathique, dit-il avec émotion. Elle m’a beaucoup encouragé. » Érik a rappelé à Claude qu’il n’était pas seul, même dans sa souffrance. Il l’a encouragé à parler à sa famille, surtout à sa nièce qu’il considère comme sa fille. Son soutien a été crucial. « Ma grande peur, c’était les vendredis soirs et les week-ends, résume-t-il avec nervosité. Il me fallait un endroit où aller et elle a été là pour moi. » Mais il a été incapable de contacter ses frères et sœurs. « J’avais beaucoup de peine, avoue Claude. C’était un échec et j’avais honte. C’était extrêmement difficile d’en parler à ma famille. Je les ai informés pour la première fois en juin. C’était très dur pour eux de se sentir impuissants. » Un autre tournant important pour Claude a été la suggestion d’Érik de regarder des vidéos sur YouTube. Ces vidéos l’ont aidé à comprendre l’importance de vivre le moment présent et à gérer ses pensées obsessionnelles. Grâce à ces ressources, Claude a développé sa méthode pour s’ancrer dans l’instant et mieux contrôler son esprit.
Droit devant
À force de rencontres avec son réseau de soutien, le voile noir s’est progressivement dissipé. Aujourd’hui, même si la douleur reste présente, Claude sent que le pire est derrière lui. « Ce qui a fait la différence, remarque Claude, c’est que je n’ai jamais perdu mon estime de moi. » Maintenant, il se concentre sur l’avenir. « Je réorganise ma vie, dit-il. Je cherche une maison en banlieue pour m’installer. » Avec un sourire, il ajoute en regardant Érik : « Je fais même du bénévolat. » Le voilà fin prêt pour un nouveau départ.