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Travailler à l’Institut… en 1908

Récemment, grâce à Pascal Tanguay, Directeur adjoint – Santé organisationnelle, formation et partenariat d’affaires, j’ai pu mettre la main sur deux manuels d’accueil des employés de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal: un de 1908 et un autre publié dans les années 1950. Une incursion dans cet établissement à travers l’accueil des nouveaux employés.

C’était l’époque de l’Hôpital St-Jean de Dieu. Le petit livre noir à couverture rigide donne l’impression d’un missel. Intitulé « Règlement des employés », ce livre d’une cinquantaine de pages explique les différents règlements et responsabilités du personnel soit « une personne ayant à l’Hôpital un emploi salarié ou rétribué, soit à l’année, soit au mois, à la semaine ou à la journée ». Le guide stipule d’emblée que les employés ne peuvent être ignorants des règlements pour excuser une infraction.

La mission

L’Hôpital Saint-Jean de Dieu a été érigé par la Communauté des Sœurs de Charité de la Providence, pour le traitement des personnes souffrant d’une maladie ou d’une affection des facultés mentales. En conséquence, toute personne engagée au service de cette institution, doit se souvenir constamment qu’elle se trouve dans une maison, dont l’unique but consiste à obtenir la guérison de tous ceux qui sont curables, et d’améliorer autant que possible le sort de ceux dont l’état n’admet pas l’espoir de recouvrir la raison.

Règlement des employés de l’Hôpital St-Jean de Dieu, 1908, page 4
Hôpital St. Jean-de-Dieu. Pavillons des hommes, entrée des parloirs
Éditeur: Montreal : Novelty Manufacturing & Art Co.,[191-?]
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Les qualités recherchées

Pour travailler à St-Jean de Dieu, la personne devait être « patiente, douce, ferme et persévérante dans tous les efforts pour encourager les malades à manger, à travailler, à prendre goût aux récréations ; enfin elle est attentive à accomplir journellement tous les devoirs de son état. » D’ailleurs, on leur rappelle qu’ils ne sont pas des « serviteurs ordinaires ou de simple mercenaires », mais comme des aides ou auxiliaires des sœurs » qui dirigent Saint-Jean de Dieu.

On s’attendait aussi que le personnel assiste aux offices de la chapelle : « messe, instructions et saluts du Saint-Sacrement, les dimanches et fête d’obligation, aux exercices de la retraite annuelle » en plus de ne s’absenter sans graves raisons aux conférences spécialement établies par Monseigneur l’Archevêque du diocèse, conférence donnée une fois par mois. On note aussi que les employés doivent « se prêter volontiers à donner plus d’éclat aux cérémonies du culte » en participant au chœur.

Les employés devaient aussi se confesser une fois par mois en plus de respecter les règlements disciplinaires du diocèse relatifs au mariage.

Hôpital St. Jean-de-Dieu, salon des gardes-malades
Éditeur: Montréal : Novelty Manufacturing & Art Co., [19–?]
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Le lever

La majorité des employés et gardiens de Saint-Jean de Dieu habitent sur place. Le lever est prévu entre 4 h et 5 h du matin. Après une toilette sommaire, ils doivent « présider au lever des malades ». C’est au son de « Bénissons le Seigneur » prononcé à « haute et intelligible voix par le gardien en entrant dans la salle » qu’on annonce l’heure du réveil aux malades.

Il faut préparer les patients pour l’office du matin, habiller ceux qui ont besoin d’assistance. Les patients doivent être rasés et peignés au peigne fin deux fois par semaine.

Hôpital St. Jean-de-Dieu. Un dortoir des malades
Éditeur: Montréal : Novelty Manufacturing Co., Ltd.,[19–?]
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Les repas

Les repas se passent dans le réfectoire. Si un patient refuse de manger, « son gardien devra immédiatement en aviser la sœur officière chargée du service de la salle ». Les gardiens doivent « prêter assistance aux malades qui ne sont pas en état de manger seuls ». La coutellerie est retirée avant que les malades quittent le réfectoire et est comptée après chaque repas.

Hôpital St. Jean-de-Dieu. Une salle à dîner
Éditeur: Montréal : Novelty Manufacturing & Art Co. Ltd., [19–?]
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Se divertir

« Les gardiens devront s’ingénier à amuser les malades et à leur procurer une occupation distrayante autant qu’il sera possible dans l’intérêt du malade. »


Règlement des employés de l’Hôpital St-Jean de Dieu, 1908, page 24

On suggère fortement aux gardiens d’être en mouvement constant pour « être le plus constamment possible en communication avec eux ». Une promenade est prévue sur les prémisses de la propriété « lorsqu’ils ont la permission de sortir ».

Le gardien doit « veiller à prévenir toute tentative d’évasion de la part de ses malades. Il doit constamment se souvenir qu’un être n’ayant pas le contrôle de ses actions est en danger de mort aussitôt qu’il cesse d’être l’objet d’une surveillance protectrice. En effet, il peut se nuire à lui-même ou nuire à autrui, or c’est son gardien qui serait rendu responsable devant Dieu tout d’abord, ensuite envers l’Institution, de tout accident qui pourrait arriver en cette occurence (sic). Toute évasion d’un malade sera immédiatement suivie par une enquête ouverte par la direction de la maison pour établir les responsabilités. » On rappelle aussi qu’il pourrait y avoir une amende si, lors d’une enquête, un employé ou un gardien est tenu responsable d’un évasion d’un malade.

Hôpital St. Jean-de-Dieu. Salle des malades
Éditeur: Montréal :Novelty Manufacturing & Art Co. Ltd.,[19–?]
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Le coucher

Le coucher des malades se fait à l’heure réglementaire qui n’est pas mentionnée dans le document. Par contre, on exige que les employés qui dorment sur place se retirent dans leur chambre à 22 heures et évitent « tout bruit qui pourrait réveiller les malades ».

Les employés avaient accès à des salles de divertissement qui leur étaient réservées.

Hôpital St. Jean-de-Dieu. Salle d’amusements des employés
Éditeur: Montréal : Novelty Manufacturing & Art Co. Ltd., [19–?]
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Traiter les autres comme on voudrait être traité

Ce document est fort intéressant pour comprendre la vie à Saint-Jean de Dieu au début du siècle dernier. Lors de ma lecture, quelques phrases sont venues marquer ma lecture :

« Le bien-être, la convalescence et même la guérison des malades dépendent dans une large mesure de la manière dont les gardiens ou employés s’acquittent de leurs devoirs; en conséquence, ceux-ci sont invités à travailler avec le personnel dirigeant de la maison, à atteindre ce but, en exécutant avec fidélité, et avec un esprit continuel de sacrifice et de charité chrétienne tous les règlements de l’Hôpital en général, aussi bien que toutes les instructions spéciales qu pourraient leur être données de temps à autre par la supérieure, soit directement, soit indirectement. »

« (…) Ils doivent traiter les malades comme ils voudraient être traités eux-mêmes s’ils étaient à leur place. »

Règlement des employés de l’Hôpital St-Jean de Dieu, 1908, pages 4 et 9

*Je tiens à dire que j’ai tenté de trouver des photos de l’époque décrite dans le document. Il semble que ces photos sont de cette époque, à plus ou moins quelques années. Merci de votre indulgence dans la précision historique des photos.

L’histoire vous inspire? De quoi aimeriez-vous entendre parler? Contactez-nous!


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