Notre série À la découverte de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal continue sa lancée. Cette fois-ci, au programme de psychiatrie légale. Anne-Renée Courtemanche, première criminologue à faire son entrée à l’IUSMM en 2012, nous raconte son parcours et nous fait découvrir cet univers fascinant.
Une grande curiosité de l’autre
Aujourd’hui coordonnatrice professionnelle à la clinique externe de psychiatrie légale, Anne-Renée fait partie des pionniers qui ont bâti ce service novateur. Elle était faite depuis toujours pour embrasser cette profession, la criminologie. « Petite, je m’intéressais déjà au comportement humain », se remémore Anne-Renée. « J’observais les gens, j’essayais de comprendre pourquoi ils agissaient tantôt d’une façon et tantôt d’une autre, j’essayais de comprendre ce qui les motivait ».
L’appel de la profession
Le déclic professionnel se fait lorsqu’un cousin, qui a basculé dans la criminalité, fait un retour dans sa région et est accueilli par le père d’Anne-Renée, qui l’aide à se trouver un emploi. Comment ce gentil garçon, qu’elle a bien connu, est-il devenu un délinquant? Diplôme en poche, Anne-Renée a un début de carrière d’intervenante diversifié : maison de transition, intervenante en toxicomanie, en victimologie, au CLSC. La présence de plus en plus importante de la drogue et des problèmes de santé mentale liés à des agirs criminels l’amène à approfondir son expertise en toxicomanie.
La criminologie est l’étude du phénomène criminel : la nature, les causes, le développement et les comportements criminels d’un point de vue individuel et social de même que les personnes victimes de ces actes.
La création d’un service à l’approche novatrice
L’arrivée d’Anne-Renée coïncide avec une réflexion sur la prise en charge d’une clientèle sous la responsabilité de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM) présente à l’institut. Le 5 mai 2015, le fruit de ces réflexions débouche sur une proposition innovatrice avec la création d’une équipe de psychiatrie légale basée sur une approche interdisciplinaire. « En alliant des professionnels de différents horizons, nous faisions preuve d’audace et apportions une tout autre dimension à l’offre de services », relate Anne-Renée.
La force de l’équipe au service de la réhabilitation
L’équipe de psychiatrie légale est composée de psychiatres, d’infirmières, de criminologues, de travailleuses sociales, d’éducateurs spécialisés, d’une psychologue, d’une neuropsychologue, d’une psychoéducatrice, d’une ergothérapeute, d’une technicienne en travail social et de préposés aux bénéficiaires. Ensemble, ils évaluent les patients qu’ils accompagnent et font la gestion du risque de violence qu’ils représentent pour la sécurité du public. Ils mettent leur expertise en commun pour établir un plan d’intervention qui mènera leurs patients vers une réinsertion sociale. « Notre objectif est de travailler à la réinsertion sécuritaire de la personne en société. Nous évaluons ses capacités et l’équipe met tout en œuvre pour habiliter la personne au maximum de ses capacités, pour qu’elle reprenne une place active au sein de la communauté ».
Une personne est orientée en psychiatrie légale lorsqu’un verdict d’inaptitude ou de non-responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux a déterminé qu’elle a besoin de traitements plutôt qu’une sentence judiciaire par exemple, comme de la détention en milieu carcéral.
L’unité 204
C’est dans une continuité logique que l’unité 204 a vu le jour en 2019. Cette unité surspécialisée de traitement et de réadaptation en psychiatrie légale accueille des patients avec un statut de détention sous CETM pour une durée maximum de deux ans. Le défi de conception était de taille : créer un milieu de vie tout en respectant des critères de sécurité et de détention requis pour la clientèle hébergée. « C’était important de créer un environnement qui n’avait pas des allures punitives. Offrir un milieu de vie est plus propice à développer des habiletés et des compétences pour retrouver une fonctionnalité mentale et sociale », explique Anne-Renée.
L’ingrédient du succès
À la question « avez-vous des réussites? », Anne-Renée confirme en précisant qu’il faut être patient et persévérant. Elle cite des petites victoires : un patient devenu fonctionnel et apte à vivre en appartement, une personne qui ne récidive pas ou n’est pas réhospitalisée. Selon elle, l’équipe et son interdisciplinarité est, sans équivoque, la clé du succès. À la programmation s’ajoute le concept d’intervenant pivot. Ce professionnel assure la liaison entre l’interne et l’externe. Le risque de récidive augmente lorsqu’il y a un manque de continuité dans les soins et la gestion du risque. En assignant un intervenant pivot, on maintient le lien de confiance. On cultive la relation et la participation du patient dans son plan de rétablissement. « Ensemble, on trouve des solutions », une approche beaucoup plus porteuse et efficace.
Il faut aller chercher le côté lumineux, le positif d’une personne. Identifier ses forces, l’amener à les reconnaître et à les utiliser tout en gardant en tête les facteurs de risque
L’institut, riche d’histoire
Anne-Renée et l’institut est un duo prédestiné. L’Est de Montréal, c’est son secteur depuis toujours. Choisir l’institut allait de soi. Une fois au sein de l’organisation, cette passionnée d’histoire est tombée sous le charme. « L’institut, je l’ai à cœur! », s’exclame spontanément Anne-Renée. « Il y a beaucoup d’histoire ici. Cette institution a toujours eu beaucoup d’impact dans la communauté. On faisait depuis longtemps, de façon informelle, de la psychiatrie légale. Mon arrivée est associée aux débuts de la pratique formelle de la psychiatrie légale. Nous avons été novateurs. Je suis fière d’être parmi les pionniers de ce champ de pratique en sein de l’institut ». Aujourd’hui, le programme fait office de référence auprès de la communauté d’autres professionnels qui s’en inspirent.