Si la pandémie a fait ressortir un besoin important au CIUSSS, c’est bien les soins en santé mentale. Autant pour la population que pour les employés. Pour faire le point sur ce qui a été appris de la première vague, j’ai discuté avec Jonathan Brière, directeur des Programmes santé mentale, dépendance et itinérance.
À son arrivée comme directeur en 2018, Jonathan travaille à mettre en place le plan de transformation des soins en santé mentale. « On a déménagé les unités de soins du pavillon Rosemont vers l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. On voulait offrir un milieu plus sécuritaire pour les patients tout en leur faisant bénéficier de la diversité de l’expertise en santé mentale de l’IUSMM. »
Ainsi, Jonathan explique que le développement de services de proximité, comme l’équipe Résolution qui se déplace à domicile, permet d’ajouter une dimension d’évaluation plus en profondeur de la condition mentale des patients.
Ce que la pandémie a changé
Pendant la première vague de COVID-19, l’adaptation a été nécessaire et constante. « Il fallait revoir la trajectoire des patients, éviter l’hospitalisation le plus possible. » Lorsqu’il y avait hospitalisation, il a fallu aussi revoir l’organisation des soins en plus de la disposition des lits.
Rapidement, on s’est tourné vers les patients-partenaires et le comité des usagers pour voir comment adapter la situation en tenant compte de la réalité et la sécurité de tous. « On a dû revoir et contrôler les sorties des patients hospitalisés. Il fallait assurer les droits des patients, tout en assurant la sécurité des patients et des employés », admet-il. « On est en urgence sanitaire. Nous avons la responsabilité de protéger les plus vulnérables », ajoute-t-il.
Les différents services en santé mentale ont aussi essayé de s’ajuster en offrant des services en télésanté. « On s’est rapidement posé la question comment continuer d’offrir des thérapies de groupe, par exemple. Mais il faut aussi prendre en considération que notre clientèle n’est pas équipée technologiquement pour la télésanté. On a rapidement vu les limites que la télésanté peut offrir en santé mentale. Et développer un nouveau lien thérapeutique en télésanté s’avère difficile, voire impossible », mentionne l’infirmier de formation.
La nécessité d’aider
La direction de la santé mentale a été au cœur de projets pour aider les employés pendant la première vague. « On a rapidement vu un besoin de soutenir les employés de l’organisation en santé mentale. La ligne COVID a donc été mise en place. Des professionnels de la santé de notre service ont pu soutenir leurs pairs dans la gestion de cette crise. » Les capsules La série qui fait du bien ont aussi permis à des professionnels d’offrir leur expertise en santé mentale. « On a aussi mis en place un corridor de service pour permettre aux employés d’avoir accès à des services en santé mentale s’ils avaient des problèmes à fonctionner, à travailler pendant la première vague. »
Jonathan a aussi voulu souligner le travail de la Fondation de l’IUSMM pour soutenir la clientèle. « L’épicerie mobile qu’ils ont mis en place a vraiment changé des vies. Ils ont apportés des centaines de boites de nourriture à nos patients, en plus de matériel de protection, de vêtements. Cette initiative a eu un impact direct sur nos usagers. »
Les constats après le déconfinement
Pendant l’été, les services en santé mentale ont été très sollicités. Jonathan admet que le confinement a été difficile pour la santé mentale de beaucoup de gens. « On a vu une augmentation de 30% des demandes pour l’équipe Résolution et le centre de crise cet été. Il y a une diminution d’hospitalisation pendant la première vague, mais ce n’était pas parce que les besoins n’étaient pas présents », a-t-il constaté.
Ainsi, il a fallu, encore une fois, réévaluer et réorganiser les services pour répondre aux besoins de la population. Depuis le début de l’été, la vague de besoins en santé mentale est bien réelle. Il admet que les besoins sont si grands que la liste d’attente pour des soins en santé mentale pour les adultes est longue. « On s’est donné pour mission d’appeler tout le monde sur la liste d’attente pour évaluer les besoins. On a mis en place une SWAT team pour offrir un accès aux services à tout le monde le plus rapidement possible. »
D’ici là, Jonathan croit que le centre de crise a un rôle crucial à jouer. « Nous sommes le seul CIUSSS à gérer un centre de crise en santé mentale à Montréal. Il répond à un besoin. Il permet à des gens qui souffrent de sortir de leur milieu, de prendre du recul pour reprendre le contrôle de leurs émotions. » Les évènements stressants ont été nombreux pour la population déjà fragilisée de l’Est de Montréal : perte d’emploi, séparation, isolement… « Le confinement a été difficile pour tout le monde. L’être humain a besoin de contacts sociaux », reconnait l’infirmier qui a lui-même prêté main forte dans un CHSLD pendant la première vague.
Les humains qui soignent des humains
Maintenant que la deuxième vague se concrétise, Jonathan souhaite mettre l’accent sur le personnel. « La direction de santé mentale, c’est 40 gestionnaires avec des équipes qui ont travaillé beaucoup d’heures supplémentaires en plus de gérer leur vie personnelle. Il ne faut pas oublier que nous sommes des humains qui soignent des humains. Et c’est beaucoup de pression sur ces humains. »
La COVID-19 demande, selon lui, de donner des soins sans proximité, avec le moins de contact possible. « Et c’est contraire aux valeurs de nos professionnels. La pandémie est venue augmenter les difficultés déjà présentes dans le réseau. »
En tant que gestionnaire, Jonathan a bien apprécié son expérience sur le terrain. « J’ai pu retrouver la connexion avec les soins aux patients. J’ai même suivi une formation de coordonnateur afin d’assurer une relève de soir et de nuit en cas de besoin. » Pour lui, l’expérience terrain a permis de remettre « les patients au cœur de nos décisions. »