Pour la première fois depuis deux ans, je mets les pieds au bloc opératoire. Un milieu de travail mystérieux, mythique même. On en entend pas souvent parler… Pour quelques heures, j’ai suivi Sabrina, infirmière au bloc opératoire à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Je dois avouer que j’avais peur… Est-ce que j’ai les nerfs assez solides pour voir une chirurgie?
À l’entrée du bloc opératoire, le personnel se rassemble pour le début du quart de travail. On se partage l’information après être passé au vestiaire. La rigueur est de mise pour tout le personnel.
«On est souvent perçu comme strict, sévère par les autres, mais on n’a pas le choix. Au bloc, on est les rois de l’asepsie!», lance Sabrina, à la blague. Pour la suivre de l’autre côté des portes coulissantes automatiques, j’ai donc revêtu l’habit complet, même mes souliers et mes cheveux étaient recouverts.
Le guide de la chirurgie
Un écran projette le plan de la journée. «C’est comme un horaire de télévision. On sait qu’il y aura telle chirurgie, dans telle salle, de telle heure à telle heure, avec tel chirurgien… Ça, c’est pour le programme électif. Il faut aussi être toujours prêts à répondre aux urgences», explique celle qui a fait un bacc en communications avant de se réorienter comme infirmière.
On passe vite dans le corridor. En tournant le coin, je réalise la grandeur du bloc opératoire. Une fascination m’envahit. Je visite de nombreuses salles remplies d’étagères avec toutes sortes de matériel, des simples compresses aux prothèses orthopédiques, en passant par les scies jusqu’au microscope le plus précis. Le classement est très impressionnant. Tout est à sa place.
Pour quelqu’un de curieux, fasciné par l’anatomie humaine, le bloc opératoire est la meilleure place!
Rémi, infirmier au bloc opératoire
Je visite une salle d’opération vide. La table d’opération est prête à recevoir un patient. «C’est à l’infirmière de préparer la salle de chirurgie. Elle doit s’assurer que tout le matériel nécessaire se trouve dans la salle avant d’amener le patient», explique Sabrina. Si, le patient doit être opéré dans une position autre que sur le dos, il y a des tables d’opération de toutes sortes.
Le rôle de l’infirmière au bloc opératoire est axé sur la santé et la sécurité du patient par la technique d’asepsie durant la chirurgie. Il consiste aussi de la gestion et la maîtrise du matériel et des instruments de chirurgie. Elle doit être rapide, capable de s’adapter aux changements et capable de prioriser une séquence d’activités selon la situation. On s’entend qu’en situation d’urgence, les actions à prioriser ne seront pas les mêmes que pour une chirurgie élective.
Lorsque l’infirmière interne est brossée et stérile, elle ne fait pas que passer les instruments à l’équipe chirurgicale. Elle doit être en communication constante avec eux, anticiper leurs prochains mouvements. Pour sa part, l’infirmière externe s’assure de qui circule dans la salle d’opération, elle gère la salle et coordonne les besoins en matériel.
Une formation rigoureuse
La formation pour les soins infirmiers au bloc opératoire est de six à sept mois. «Chaque spécialité est abordée, une à la fois. Les nouvelles infirmières sont jumelées avec quelqu’un dès le début», explique Sabrina qui accompagne aussi les nouvelles infirmières. «Il faut avoir un intérêt pour apprendre et s’investir dans cet apprentissage!»
«Travailler au bloc, c’est voir des choses que tu n’as jamais vu de ta vie!»
Sabrina, infirmière au bloc opératoire
Le rôle de chacun dans la réalisation de l’intervention est important et indispensable, et la communication entre les intervenants est primordiale. «On prend soin des patients en s’assurant qu’il n’y a pas de contamination alors que son corps est dans sa plus grande vulnérabilité sur la table d’opération.»
Relation avec les patients
Il y a bien sûr une relation importante entre les infirmières et les patients. «L’infirmière doit évaluer le patient, le questionner avant la chirurgie. Ça prend beaucoup d’empathie pour l’accompagner tout au long de chirurgie», explique Sabrina.
En salle de réveil, deux patients récupèrent de leur chirurgie. La salle semble calme, apaisante. «Il y aura d’autres personnes qui vont s’ajouter, précise Sabrina. C’est une salle de transition, entre la salle d’opération et les étages. Ils y passent quelques heures. Certains patients vont aussi aux soins intensifs, selon leur état.»
C’est là qu’on comprend l’effet domino des lits. Pour opérer, il faut des lits sur les étages et aux soins intensifs pour permettre au patient de vivre sa convalescence, d’aller assez bien pour retourner à la maison. Si les lits à l’étage sont pleins, la poursuite du programme de chirurgie peut être remise en question.
Une passion sans fin
Dans un corridor, entre une étagère de compresses et une de caissons d’instruments chirurgicaux, je rencontre Karine. Depuis 15 ans, elle travaille au bloc opératoire de l’HMR. «Je suis fière de l’expertise développée à l’hôpital. On a de bons chirurgiens. On enlève la maladie! C’est quelque chose!», lance-t-elle de façon spontanée en parlant de l’expertise en cancérologie.
Karine avoue ne jamais se lever à reculons pour aller travailler. «C’est une passion, comme beaucoup de gens qui travaillent ici. Le travail est diversifié», explique-t-elle, ajoutant qu’il faut essayer pour savoir si on est fait pour travailler au bloc.
«Je suis devenue humainement beaucoup plus résiliente en travaillant ici. On apprend qu’il y a plein de choses qu’on ne contrôle pas. Ça ne nous empêche pas d’être humain, et même de pleurer avec les patients parfois.»
Karine, infirmière au bloc opératoire
Imane est infirmière auxiliaire depuis 2009. Elle travaille depuis deux ans au bloc opératoire d’HMR. Pour elle, l’esprit d’équipe pèse lourd dans la balance de ce qu’elle aime le plus de son travail. «J’aime aussi la constance dans le travail. Il n’y a pas de routine, mais on sait ce qu’on a à faire», explique-t-elle.
Le travail d’équipe
Pour Karine et Sabrina, le travail d’équipe a pris un tout autre sens depuis qu’elles travaillent au bloc opératoire. «On est une équipe qui se tient en salle d’opération. Chaque maillon est important dans la chaîne.» Cette camaraderie-là, je l’ai senti dès le début de ma visite. Ici, tout le monde se salue. On fait des blagues. Les titres d’emplois n’ont pas vraiment d’importance.
Elles parlent aussi du soutien pendant l’orientation. Elles reconnaissent que le travail peut sembler difficile, même impressionnant. «Il ne faut pas lâcher. On apprend des choses qu’on n’apprend pas à l’école», explique Sabrina.
J’avoue, pour m’être glissée dans une salle quelques minutes, que ma peur s’est dissipée rapidement. On est loin de ce qu’on voit dans les films! Le calme qui y règne est déconcertant. En quittant le bloc, les paroles de Karine me reviennent. «Nous sommes les anges des patients. Nous devons les protéger dans la condition la plus vulnérable dans laquelle un humain peut être… C’est à nous de veiller sur eux.»