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Comment transformer un hôtel en hôpital en 48h

Hotel-Hôpital

Lundi en après-midi, je reçois un appel de ma supérieure. «Mariève, tu devrais venir voir ça! Toutes les directions sont ici pour parler des besoins de chacun. Un hôtel accueillera des patients de notre territoire suspectés d’avoir la COVID-19 ou qui ont la COVID-19. Le site sera prêt dans 48 heures

48 heures pour transformer un hôtel en hôpital. Êtes-vous prêts?

Lundi 6 avril en après-midi

Des représentants de toutes les directions du CIUSSS visitent le lieu. Chacun énonce ses besoins, ses préoccupations. Le clinique s’intéresse aux soins à prodiguer, le bureau de santé tient à protéger les employés en zones chaudes, les communications s’assurent de prendre les besoins en signalisation. Les services techniques et informatiques sont mis à contribution. Les approvisionnements doivent aussi évaluer les besoins.

Ensuite, les discussions avec la direction de l’hôtel permettent d’élaborer un plan pour le lendemain. Le personnel videra les chambres du mobilier inutile. Les chambres communicantes serviront de poste infirmier sur chaque étage. De plus, on construira des cloisons pour garder des zones froides pour l’habillement du personnel sur les étages.

Mardi 7 avril, le matin

Le site est accepté par notre organisation et le contrat signé avec la direction de l’hôtel selon les conditions et besoins liés à la situation. Il en fallait pas plus pour que le branle-bas de combat commence.

Mardi 16h

Depuis le matin, l’hôtel est une ruche. Des ouvriers construisent des cloisons aux étages où se retrouveront les patients. L’entrée des patients se fera au sous-sol, avec une entrée dédiée chaude. Des cloisons temporaires ont aussi été construites pour diviser cette entrée de celle des employés.

Je rejoint Julie Desrochers, directrice adjointe à la SAPA dans une salle de réunion du 6e étage. Elle regroupe les trois chefs d’unité – Geneviève Chartrand qui travaille à la DQÉPÉ, Sara Auclair qui est aux soins post-aigus à Jeanne-Le Ber et Chantal Tremblay, gestionnaire sortie de la retraite pour prêter main-forte à ce projet. Son conjoint, François, travailleur social, viendra en soutien administratif pour les admissions. Avec Caroline Petitjean, adjointe au directeur SAPA, pour coordonner le tout, l’équipe semble anxieuse d’arriver à tout penser pour l’ouverture aux patients prévue pour dans 24h.

Hôtel-Hôpital - Journal Le Fil
Chantal Tremblay, Geneviève Chartrand et Caroline Petitjean

Mardi 20h – Des rires nécessaires

À la fin de la journée mardi, des papiers statiques décorent la salle de réunion. La chaleur du soleil du printemps plombe dans la pièce surchauffée. Chaque détail est passé au peigne fin.

Le matériel médical et l’équipement de protection individuel arriveront demain. Il faut penser à la diète de chacun des patients. Il faut établir des protocoles de nettoyage des chambres entre chaque patient. Il faut brancher les ordinateurs au réseau du CIUSSS. « On tricote le tapis et on marche dessus en même temps », pense tout haut Julie Desrochers. Éclat de rires. Les larmes discrètes coulent sur les joues. La fatigue et le stress s’évacuent en riant un bon coup.

Après une réunion de plusieurs heures pour déterminer des tâches accomplies et celles qui restent à accomplir, l’équipe quitte l’hôtel. Demain, ce sera l’accueil des premiers employés. Il faut que tout soit prêt pour les recevoir.

Mercredi 8 avril, 7h

L’équipe est au poste. Elles ont déménagé leur « war room » au rez-de-chaussée, près de l’entrée principale. Les employés arrivent un à un et s’installent sur les fauteuils du lobby. On rappelle les consignes de distanciation physique. «Tout a été pensé ici jusqu’à ce que vous nous posiez une question et qu’on vous dise qu’on n’y a pas pensé», dit Julie Desrochers, à la blague.

Le fameux war room dans le lobby de l’hôtel

Geneviève Chartrand poursuit: « C’est possible que vous ayez beaucoup de questions. Quand on trouve une réponse, deux autres questions surgissent », dit-elle, ajoutant que l’équipe des gestionnaires sera présente pour les appuyer dans cette aventure.

L’accueil des employés dans le lobby

Présentations et formations

Pendant les présentations, je réalise que beaucoup sont des gens qui se sont inscrits pour contribuer. Ils ne travaillent pas en santé directement. Un concierge d’école, un retraité, des immigrants qui ont des compétences non reconnues ici.

En deux jours, ces gens auront des formations une derrière l’autre: planification en mesures d’urgence, prévention et contrôle des infections et quelques formations plus spécialisées selon le poste: soins infirmiers, préposé aux bénéficiaires… Ça bourdonne d’informations dans plusieurs salles de réunion un peu partout dans l’hôtel.

Salle  "Le Titanic" dans l'hôtel en hôpital
Salle « Le Titanic »

Une des salles de réunion a été surnommée Le Titanic pour son chic et ses chandeliers. Un peu ironique quand même vu la situation. C’est dans cette salle que j’ai rencontré quelques employés qui travailleront dans cet hôtel dans les prochaines semaines.

Mercredi midi

Depuis deux jours, des employés de l’informatique travaillent à brancher des ordinateurs au réseau du CIUSSS, à configurer des adresses courriel et à mettre tout en place pour permettre aux équipes de fonctionner. Dans cette salle administrative où tous respectent la distanciation physique, on sent la concentration surchauffer la pièce. «On a connecté les portables sur le wifi avec un tunnel dédié. L’équipe avait aussi connecté la clinique Chauveau. Donc, on a appris et utilisé notre expérience pour l’installation ici. On a sauvé beaucoup de temps», explique Michel Lafond, analyste à la direction des ressources technologiques.

 Michel Lafond, analyste à la direction des ressources technologiques
Michel Lafond, analyste à la direction des ressources technologiques

Pendant ce temps, au sous-sol, on aménage la salle de repos des employés et les vestiaires. Des uniformes sont placés sur des tables. Les employés devront se changer sur place. Les uniformes seront lavés ici chaque jour.

Les uniformes prêts pour utilisation dans les vestiaires de l’hôtel

Chaque étage utilisé comprend 14 chambres et un poste infirmier. Nicolas Hébert, formateur en hygiène et salubrité à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, vient soutenir les équipes pour la prévention et le contrôle des infections. Il admet que la situation est difficile pour tout le monde en ce moment. «Je suis trop à risque puisque je forme les gens dans les zones chaudes. Je n’ai pas vu mes enfants depuis deux semaines, affirme-t-il le regard pensif.

Mercredi 15h

En après-midi, les postes infirmiers sont équipés de tout le matériel. Christophe Cadoz, directeur adjoint aux programmes sociaux et de réadaptation, visite l’installation. La pression monte d’un cran quand on constate que le premier patient est en route. Il faut tous s’habiller en uniforme, être prêt à l’accueillir.

Il me manque de mots pour expliquer toute la tension, la volonté de partir ce site non-traditionnel le mieux possible en si peu de temps. Ce site veut soutenir les CHSLD en offrant un endroit de quarantaine entre l’hospitalisation et le milieu de vie (CHSLD ou résidence privée). Les zones chaudes permettront aussi d’accueillir des patients positifs à la COVID-19 qui ont des difficultés à suivre les règles de confinement dans leur milieu de vie.

Geneviève Chartrand, gestionnaire à la DQÉPÉ, dans une chambre avec vue sur la ville

Un dévouement à souligner

C’est un immense défi qu’on a demandé à cette équipe. Bien sûr, le travail des équipes en zones chaudes est à souligner. Mais j’ai vu aussi beaucoup de gestionnaires mettre la main à la pâte, travaillant selon des horaires chamboulés dans des conditions hors normes, en faisant des miracles au quotidien.

J’ai quitté l’hôtel en fin de journée, à peine une heure avant l’arrivée du premier patient. Une boule dans la gorge et l’esprit vaporeux d’avoir ressenti autant de fébrilité en si peu de temps.

AJOUT: Bien sûr, l’hôtel n’est pas un réel hôpital, avec toutes les mesures d’urgence que ça exige. L’hôtel est plutôt un centre d’hébergement temporaire pour la clientèle présentant la COVID-19 et celle qui doit faire un isolement préventif avant de retourner en CHSLD. Cette installation a pour but protéger les résidents des milieux de vie et éviter la propagation du virus dans les CHSLD. Avec les événements des derniers jours, on en comprend toute son importance.

Topos COVID-19 pour le personnel du CIUSSS : Retrouvez les développements du jour sur l’intranet ou de l’extérieur du CIUSSS via Extranet, sous l’onglet : CIUSSS > COVID-19  > TOPO | COVID-19

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