Cette année, Dre Hélène Boisjoly a reçu l’Ordre du Canada. Première femme doyenne de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, l’ophtalmologiste spécialiste de la cornée a longtemps travaillé à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Je suis allée la rencontrer dans le pavillon Roger-Gaudry, la grande tour de l’Université de Montréal au sommet de la montagne. J’entre par la porte en bois où l’on voit l’inscription Faculté de médecine.
Ouvrir la porte aux femmes en gestion de la santé
Première femme doyenne de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Dre Boisjoly croit que la Faculté est plus accessible et plus humaine. D’ailleurs, elle croit que les femmes qui travaillent dans le réseau de la santé doivent croire et aspirer à une carrière en gestion. « Les femmes sont encore moins présentes dans les postes de gestion. Elles doivent aller chercher de la formation, notamment en leadership, trouver des mentors (hommes et femmes) pour les aider à comprendre les enjeux, être honnêtes, disciplinées. C’est faisable d’avoir du plaisir et d’avoir une vie familiale en étant gestionnaire. »
Elle insiste d’ailleurs sur la notion de diversité, non pas seulement hommes-femmes, mais aussi toute la diversité dans les postes de gestion. Selon elle, il ne faut pas voir la vie comme des petits sprints, mais plutôt comme un marathon. « Il faut savoir saisir les opportunités. Lorsqu’un train passe et qu’on pense marcher à côté à la bonne vitesse, au bon moment, il faut oser sauter dans le train. Ce n’est pas grave de se tromper, c’est persévérer dans l’erreur qui est plus dommageable. »
Ce que j’aime de mon travail
Docteure Boisjoly aime réaliser des projets qui vont améliorer la façon dont on enseigne et dont on fait de la recherche. Doyenne de la Faculté depuis 2011, elle a piloté la transformation de la formation pour assurer que les professionnels de la santé ont toutes les compétences pour répondre aux besoins de la société. « On a aussi donné une place concrète à la Faculté à d’autres professionnels de la santé afin d’assurer et d’affirmer l’importance de la collaboration entre les professionnels de la santé », dit-elle fièrement.
Elle mentionne également la réorganisation des sciences fondamentales avec la création d’un département de neurosciences. « On a aussi accueilli, à la Faculté, l’école de kinésiologie qui permet de faire de la recherche croisée, notamment avec le Département de nutrition. On pourra ainsi aider les gens avec des conditions physiques particulières, comme le diabète et l’hypertension par exemple. »
D’ailleurs, la prévention prend une grande partie de ses préoccupations. Sa maîtrise en santé publique à l’École de santé publique de Bloomberg (John Hopkins) lui a permis d’approfondir cet aspect de la médecine. L’aspect d’engagement social est aussi très présent dans sa carrière. « Chaque professionnel de la santé doit devenir un avocat pour ceux qui n’ont pas de voix dans la société. Il faut être la voix des silencieux. »
De clinicienne à gestionnaire
Même si elle aime son travail de gestionnaire, Dre Boisjoly s’ennuie aussi de la satisfaction immédiate de traiter les patients, de l’interaction avec ceux-ci. « Le sourire du patient le lendemain d’une opération n’avait pas besoin de mots pour décrire qu’on avait fait une différence dans sa vie », décrit-elle les yeux pétillants de fierté.
Elle avait aussi une satisfaction personnelle de se dépasser comme médecin chercheuse lorsqu’elle complétait une recherche ou publiait un article scientifique. « Dans la carrière d’un médecin chercheur, il y a quatre dimensions : les soins, l’enseignement, la recherche et l’administration. Je pratique depuis 1983. En 35 ans, j’ai fait toutes ces activités en proportions variables. Actuellement, j’arrive à une phase de ma carrière où toute l’expérience accumulée dans toutes ces activités me permet d’avoir une vue d’ensemble. »
C’est avec le soleil dans les yeux que je suis retournée à l’Institut universitaire en santé mentale avec les épaules relevées, inspirée par ses propos.