Il est près de 9 h le matin lorsque je rejoins Nada à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Depuis 11 ans, elle travaille aux soins spirituels de l’hôpital, et à Santa Cabrini Ospedale aussi.

J’ai juste un appel à faire, dit-elle les sourcils un peu plissés. Elle venait de recevoir un appel de la salle d’accouchement. Une femme enceinte voudrait une prière avant d’accoucher. Le hic : elle est unilingue espagnole.

Il y a un membre de l’équipe qui parle espagnol. Mais il n’est pas au bureau aujourd’hui. «Je pourrais le faire, dit-elle à l’infirmière. Je parle un peu espagnol.»

Apporter du réconfort dans un moment émotionnellement fort en aidant la personne à renouer avec ses repères spirituels, c’est le travail de Nada.

Tout est dans l’attitude

Nada parle d’une voix douce, réconfortante. Aucun mouvement brusque, elle bouge et parle comme un nuage. Pour elle et ses collègues aux soins spirituels, la pandémie a été toute une période de changements.

Les interventions se font désormais majoritairement par téléphone pour éviter de passer d’une zone chaude à une zone froide. Tout récemment, Nada a reçu l’autorisation de retourner en soins palliatifs. Elle est soulagée. Sa raison d’être à l’hôpital, c’est de pouvoir être présente auprès de ces patients, surtout ceux qui sont en fin de vie. «Ça été difficile de ne pas pouvoir y aller.»

Observer pour mieux comprendre

Au début de la pandémie, Nada est allée dans une unité chaude pour recenser les gens qui entraient et sortaient des chambres des patients positifs. Elle a donc pu observer le fonctionnement du personnel. «C’est une réaction en chaîne entre les conférences de presse et ce qui se passe sur le terrain, sur une unité. Le personnel bouge vite. Tout le monde est dans l’action, dans le faire.»

Elle a compris la raison de la baisse des demandes en soins spirituels. «Le personnel est plus que jamais confronté à la finitude humaine. Il est bousculé et ne pense pas à l’aspect spirituel.» Pourtant, Nada constate que les familles ont besoin de ce contact. «Les infirmières signalent les familles qui semblent plus anxieuses, qui appellent souvent pour avoir des nouvelles de leur proche. Nos appels sont appréciés par les familles, elles sont reconnaissantes de notre contact.»

Plus grand que soi

On associe souvent les soins spirituels à la religion. Pourtant, la formation des intervenants en soins spirituels se situe davantage dans l’humanité et les croyances de chaque individu. «Nous sommes formés pour mettre une distance entre nos croyances personnelles et celles des autres. On accompagne la personne au niveau de la transcendance, c’est-à-dire dans sa relation avec un plus-grand-que-lui, sans imposer la nôtre.»

Pour Nada, la spiritualité englobe les différentes croyances ainsi que toutes les composantes de l’être humain.

Il est parfois difficile d’aller vers la spiritualité en temps de crise. Les familles veulent juste dire leurs vécus, le non-sens de la situation, leur frustration de ne pouvoir être au chevet de celui ou celle qu’elles aiment, leur impuissance et leur peur de perdre l’être cher sans pouvoir dire adieu. Un combat intérieur et extérieur! L’angoisse existentielle que cela génère en eux vient en second plan car le besoin dans l’ici et maintenant, c’est d’être écoutés avec bienveillance et compassion et d’avoir des informations sur ce qui se passe. Lorsque la personne a plus d’ouverture, j’aborde avec elle sa perte de sens, son impuissance,  j’explore avec elle sa spiritualité et comment celle-ci peut l’aider à passer à travers cette crise. En général, voilà ce que c’est pour nous qu’accompagner en ce temps de crise sanitaire.

Nada Nahas, intervenante en soins spirituels

Pour elle, la dimension de la présence physique humaine, chaleureuse et compatissante s’est perdue au cours de la pandémie.

Une quête de sens

Pour Nada, la maladie amène une perte de sens et de repères ainsi qu’une angoisse existentielle : la peur de perdre le cadeau merveilleux qu’est la vie. La personne est en quête de sens. Elle veut savoir le pourquoi de ce qui arrive. «Il est difficile pour les patients, les proches et le personnel de faire ce cheminement, car ils sont en quête de solutions, dans le faire plutôt que dans l’être. Voilà le gros défi des intervenants en soins spirituels.»

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