C’est devant une salle comble à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et devant de nombreux autres employés en visioconférence qu’Étienne Boulay, ancien joueur des Alouettes de Montréal, a livré un témoignage touchant en cette journée mondiale de prévention du suicide.
Joueur de football étoile, Étienne Boulay a vécu des jours sombres qui l’ont mené à une tentative de suicide. Il avoue s’être menti à lui-même pendant plusieurs années en se disant que tout allait bien alors qu’il avait des problèmes de dépendance. Avec des symptômes de commotion cérébrale, il vivait des épisodes dépressifs qui le plongeaient chaque fois dans la dépendance à plusieurs substances : alcool, drogues, médicaments.
Une fois sa carrière de football derrière lui, il devait apprendre à se définir autrement que par le sport qui le définissait depuis le secondaire. Un chemin ardu dont les rechutes ont permis d’apprendre sur lui et ont menées vers son rétablissement. Il en parle aujourd’hui publiquement parce qu’il en ressent le besoin pour aller mieux, en plus de participer activement à la prévention du suicide.
Des statistiques éloquentes
En première partie de conférence, Janie Houle, chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (CR-IUSMM), a parlé des statistiques de suicides, des facteurs de risque, des inégalités sociales de santé et de ce que nous pouvons améliorer pour prévenir davantage le suicide au Québec. Elle fait d’ailleurs partie d’un collectif qui souhaite un plan d’action national pour la prévention du suicide.
Les statistiques avancées par Janie Houle concordent parfaitement avec le triste vécu d’Étienne Boulay : les risques de suicide sont plus élevés lorsqu’il y a dépendance et dépression, notamment. Ce sont les hommes qui se suicident le plus, dans la tranche d’âge 50 à 64 ans plus particulièrement.
Un PDG sensible
Pour son mot d’ouverture de la conférence, Sylvain Lemieux a fait des blagues de jeune papa avec Étienne Boulay, les deux partageant ce rôle. D’ailleurs, Sylvain Lemieux a mentionné avoir passé une partie de la nuit à bercer son bébé de quatre mois.
On a aussi pu entendre Sylvain Lemieux relater une histoire bien personnelle. Récemment, un proche a tenté d’en finir. Véritable onde de choc, il a mentionné l’importance de parler du suicide pour faire tomber les tabous.
Mon rôle était de prendre des notes, des photos… Mais je dois avouer qu’en milieu de conférence, j’ai déposé mon appareil photo et mon calepin. Les mots du joueur de football résonnaient dans ma tête. Ils me tourmentaient. On encourage à parler du suicide…
Tranche de vie
Après plus de dix ans de troubles de santé mentale sévères, ma mère s’est enlevée la vie à 60 ans. C’était il y a presque six ans. Je suis une endeuillée du suicide. J’apprends chaque jour que cette douleur du deuil par suicide ne fait pas moins mal avec les années, nous sommes simplement plus forts pour la porter.
J’y ai pensé moi-même aussi à cette option alors que j’avais l’impression de ma vie tourbillonnait vers le bas. Après une dure séparation, j’ai pensé que mes proches seraient mieux sans le fardeau de ma peine si lourde à porter. Après tout, les statistiques disent que je suis davantage à risque d’en finir parce qu’un proche l’a fait avant moi. Et c’est de penser à mes enfants, qui devraient vivre avec cette peine du deuil par suicide, qui m’a retenu à la vie.
Quand l’écoute peut faire la différence
D’une authenticité déconcertante, Étienne Boulay avoue avoir apprécié parler de son vécu avec des professionnels de la santé. « Je pense que j’ai mis plus d’accent sur le après la tentative. C’était réconfortant de s’adresser à des gens qui connaissent cette réalité. Je n’ai senti aucun jugement et beaucoup d’écoute. »
La conférence d’Étienne Boulay m’a bouleversée et je suis arrivée devant lui les yeux plein d’eau. Je devais l’interviewer pour l’article que vous lisez et c’est plutôt lui qui m’a écouté. Il m’a demandé ce que je faisais pour aller mieux, au quotidien.
Il m’a confié qu’il travaille à écouter ses premiers signes d’angoisse, le poids dans la poitrine. Il tente de se demander d’où vient son inconfort et de l’extérioriser, de ventiler avec ses amis, de ne plus accepter l’inacceptable, d’accepter qu’on ne peut pas plaire à tous, et surtout de s’autoriser parfois d’aller moins bien et de le verbaliser.
Je suis sortie de cette conférence le cœur gros, mais aussi avec le sentiment que, plus on parle du suicide, plus il y a de l’écoute.