Audrey Thibeault est agente administrative au développement organisationnel du CIUSSS. Originale et pimpante, elle mord dans la vie à belles dents, en valorisant son éclectisme. D’origine algonquine, métis et huronne, elle a passé sa petite enfance dans la communauté de Pikogan, près d’Amos, en Abitibi-Témiscamingue. Alors qu’une campagne de formation obligatoire vise tous les employés québécois du réseau de la santé, le journal Le Fil est allé à la rencontre d’Audrey. Elle nous livre son point de vue sur la formation et surtout, nous parle avec sensibilité de la réalité autochtone d’ici.

Un riche héritage

Audrey Thibeault, 22 ans, est née sur ce qu’on appelle une réserve, qu’il convient plutôt de qualifier de communauté. Ce qui différencie allochtones et autochtones, elle le reconnaît d’emblée. « Le partage est au cœur de la philosophie de vie autochtone, explique-t-elle. Nous sommes animistes : nous respectons tous les êtres vivants, qu’ils soient humains, végétaux ou animaux. Donc, au lieu de sermonner un enfant turbulent comme le font souvent les blancs, les autochtones cherchent à lui enseigner le bon comportement à adopter, sans punitions. Les principes d’éducation et d’apprentissage autochtones diffèrent beaucoup des allochtones. » Aux dires d’Audrey Thibeault, les silences sont aussi partie prenante de la philosophie des premiers peuples. « Nous sommes des gens rieurs et calmes qui ne se prennent pas la tête avec les problèmes. Et avec nous, pas besoin de meubler les silences à tout prix : on les valorise et ils nous apaisent. C’est bon à savoir, je crois », admet l’employée du CIUSSS-EMTL.

Construire des ponts

Audrey souhaite que les allochtones du CIUSSS et d’ailleurs se sentent à l’aise d’échanger avec les autochtones. « Souvent, certains craignent de mal choisir leurs mots et de nous blesser, remarque-t-elle. Or, la culture autochtone ne fait pas du tout dans le jugement. La maladresse ne nous fâche pas : l’erreur est humaine et nous ne sommes pas des gens fondamentalement susceptibles. On accueille tout le monde et on souhaite seulement la pareille en retour, sans préjugés ni idées préconçues. » De fait, Audrey a suivi la formation obligatoire sur les réalités autochtones. Si le module 1 s’attarde aux lois et peut paraître rébarbatif, car il ressemble à un cours d’histoire, elle supplie les employés de s’accrocher. La suite est plus concrète et les aidera quand ils auront affaire à un usager inuit ou issu des Premières Nations. « Dans le module 6, on s’immisce vraiment dans les communautés et on va à la rencontre des peuples autochtones, note Audrey. On apprend ainsi à bien aborder ces derniers et à communiquer avec eux sur un pied d’égalité. C’est là que la relation de confiance s’établit. »

Faire rimer santé et humanité

Voilà trois ans qu’Audrey est employée du CIUSSS. Son port d’attache, c’est l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). Dès son arrivée, c’est à l’unité de schizophrénie qu’elle a été postée et elle a tout de suite eu le coup de foudre pour le travail de terrain, difficile, mais concret et utile. Le milieu de la santé est donc bel et bien le sien parce qu’elle le juge très humain. Même chose pour le CIUSSS-EMTL, dont elle apprécie la diversité culturelle. « En Abitibi, les autochtones sont beaucoup plus stéréotypés et étiquetés qu’ici, à Montréal, où je ne me sens pas du tout intimidée, analyse Audrey. Quand on va se faire soigner là-bas, il y a des préjugés d’emblée. Ici, je sens au contraire que les gens sont intéressés par ma culture, ils me posent plusieurs questions. Et bien sûr, l’exemption de taxes est abordée d’entrée de jeu, ironise-t-elle. Ça finit par être un peu redondant, car l’identité autochtone va bien au-delà de ça ».

Aux yeux d’Audrey, tout le monde gagne à suivre la formation sur les réalités autochtones, qu’on soit en lien ou non avec des patients dans l’exercice de nos fonctions. « Ça aide à connaître le mode de vie autochtone au sens large et à comprendre les us et coutumes des premiers peuples, analyse-t-elle. Ça remet plein de choses en perspective. » Et si ça peut reléguer au second plan la fameuse affirmation « Ah, ça veut dire que tu ne paies pas de taxes ! », ce sera déjà ça de gagné en matière de lutte aux stéréotypes. Audrey Thibeault est d’avis que la beauté de la vie réside dans les échanges et le partage de connaissances entre les humains de tous horizons. Cette formation en est donc le premier jalon. « Maintenant, pour ne pas se sentir comme l’autochtone de service, dit Audrey, il serait bien de commencer à sonder notre opinion en amont. Les autochtones du CIUSSS gagneraient à être mis à contribution dans un processus d’amélioration continue des échanges et des façons de faire avec les usagers des premiers peuples. Ce serait une plus-value pour tout le monde », conclut l’employée.

Pour suivre la formation quant à la sensibilisation aux réalités autochtones, rendez-vous à la section Santé populationnelle de l’intranet. Tous les détails s’y trouvent. Notez qu’il s’agit d’une formation obligatoire rémunérée, d’une durée totale de 1 h 45.

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