Après être allée une nuit à l’urgence de l’HMR, je m’étais promise d’aller voir les équipes à Santa Cabrini.
Il est 20h. Il a neigé toute la fin de semaine. Les déneigeuses font leur travail devant l’hôpital. L’ambiance est feutrée, étouffée par toute cette neige qui absorbe le bruit.
Philippe, l’assistant-infirmier chef, m’accueille avec le sourire. Il me fait visiter les trois espaces de l’urgence en plus de la salle d’attente. Ce qui me frappe le plus en visitant, c’est à quel point les espaces sont grands, aérés.
Je me retrouve dans la salle de choc où trois personnes discutent.
«C’est tranquille ce soir?»
«CHUTTTTT, faut jamais dire ça. On ne sait jamais ce qui va arriver dans cinq minutes.»
Je comprends qu’à Santa Cabrini, on ne souhaite pas parler trop vite!
Mélissa Julien, infirmière, me raconte son expérience au Nunavik, particulièrement à Puvirnituq. Elle réalise que son expérience lui permet de garder son sang-froid dans les moments urgents. Jocelyne Cordova a quelques années d’expérience à l’urgence. Julie Dufort, préposée, est la doyenne avec ses près de 20 ans d’expérience.
Le téléphone rouge
À peine quelques minutes dans la discussion, un téléphone retentit. C’est le mot. Fort, insistant. C’est le téléphone rouge. Celui qui annonce l’arrivée d’une ambulance. Un cas urgent. Une détresse respiratoire. En quelques secondes, ça bouge. L’inhalothérapeute est appelé, l’urgentologue et la résidente aussi. Tout le monde se prépare.
L’attente
C’est le calme plat. L’attente. Quelques sourires, quelques blagues. Mais tout le monde reste sur le qui-vive. «Ils sont arrivés!», dit Philippe.
Une dame est en détresse respiratoire. Autour, on voit une véritable ruche d’abeilles travaillantes où chacun a son rôle! On sort le dossier. On entend les machines s’activer par l’inhalothérapeute. Les infirmières tentent de parler à la dame, de la rassurer. Ses grands yeux paniqués témoignent de sa détresse. J’avoue que ce regard m’est resté dans la tête toute la soirée.
En mode réaction
Une patiente est dans la salle à côté de celle en détresse respiratoire, dans la salle de choc. Elle s’agite. Il faut une autre personne pour lui prêter assistance. Mais tout le personnel est dévoué à la dame en détresse respiratoire. Une préposée du monitoring vient en renfort.
Tout le monde sait quoi faire. Tout le monde semble en contrôle. La peau de la dame devient grise. On ferme le rideau. Mon cœur se pince. Je n’ai jamais assisté à ce genre de situation. La détresse, la douleur… Plus tard, je demande à Mélissa comment on fait pour s’habituer à voir souffrir les gens… «Parce qu’on sait qu’on peut soulager leur douleur.»
En soutien
Je me promène dans les salles, pour me remettre de mes émotions. À l’observation, j’entends rire. C’est tranquille, silencieux. Et des rires pétillants brisent le silence, comme des bulles qui éclatent. Karine Blanchet et Marjolein Assouad viennent d’arriver pour nettoyer certains lits. Préposées à l’entretien ménager, elles dégagent toutes deux une énergie hors du commun.
« J’adore travailler à l’urgence. C’est toujours nouveau. On s’entraide », dit-elle le sourire aux lèvres. Sans son travail, les patients ne pourraient pas s’installer dans un lit à l’urgence. « Il faut être humain. Quand on est à l’urgence, c’est qu’on ne va pas bien. J’aime le contact avec les patients. »
Marjolein monte dans une échelle pour changer les rideaux. « On entend, on voit des choses. On est humain. Je sens vraiment que je fais une différence, même avec les petites choses que je fais », dit-elle fièrement. Si elle ne travaille comme préposée que depuis six mois, elle affirme déjà sentir de faire partie d’une belle grande famille.
11h30
La soirée a passée si vite! Le quart de nuit arrive. On s’échange les informations pour s’assurer d’une continuité des soins. On se souhaite bonne nuit… Dans la salle de choc, deux autres civières sont arrivées. Des ambulances entrent et sortent. Tout le monde semble bien occupé, comme des fourmis où tout le monde a un rôle bien précis et très important pour garder la fourmilière active et répondre aux besoins de tous.
La dame en détresse respiratoire est hors de danger, pour l’instant. Elle a repris des couleurs et sera sous surveillance toute la nuit.
Je retourne dehors. Le froid est mordant. Je suis contente de retrouver la chaleur de mon lit. Les yeux écarquillés dans le noir, je reste impressionnée par tant de professionnalisme en une seule soirée…