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Dans les archives de pandémies

Grippe espagnol

Dès le début de cette pandémie, de nombreux médias se sont intéressés à d’autres pandémies dans le passé. Surtout qu’on venait tout juste de souligner les 100 ans de la grippe espagnole. Je suis donc allée fouiller dans les archives montréalaises pour savoir comment ça s’est passé dans l’Est.

La variole : 1885

Avant la grippe espagnole des années 1918-1920, la variole a dévasté Montréal en 1885. «C’est la maladie qui aura fait le plus de morts en proportion de la population, 2500 en 1885 (sur une population de 190 000 personnes) contre 3500 pour la grippe espagnole en 1918 (sur une population de 550 000 personnes)», explique William Gaudry, directeur-historien des Ateliers d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

D’ailleurs, un bâtiment de l’Est a été le principal endroit de quarantaine pour Montréal, sur le terrain de ce qui est aujourd’hui le CHLSD J-Henri Charbonneau. «À l’hôpital, les patients étaient lavés nus en groupes, hommes et femmes, et envoyés dans des dortoirs dont les lits étaient séparés par une distance jugée suffisante. Il n’existait aucun traitement. C’était plus des soins palliatifs. On croyait à l’époque que les maladies étaient véhiculées par l’air. Le bâtiment avait donc des dispositifs de ventilation très développés pour amener de l’air frais, lequel était considéré comme un vecteur de guérison. Au final, c’est la vaccination et l’isolement des malades qui va régler le problème. Mais il faudra près de 30 ans pour en venir à bout», raconte l’historien.

Inauguré par la Ville de Montréal à l’hiver 1887, l’hôpital des varioleux d’Hochelaga était situé rue Moreau, entre Sherbrooke et Nolan (Rachel). Montréal, métropole du Canada, fut gravement touchée par une épidémie de variole en 1885 (2500 morts). Un tel bâtiment était donc urgent pour aplanir la courbe de contagion qui perdurera à des degrés variables pendant trois décennies, surtout dans les quartiers défavorisés. Le terrain de cinq hectares était complètement isolé des zones habitées. Le bâtiment, d’une superficie de 14 400 pieds carrés, comprenait deux ailes de 64 lits, une pour les femmes et l’autre pour les hommes de confession catholique.

Après le départ du dernier cas de variole, en 1911, l’hôpital fut réaménagé en plus petit format afin d’accueillir les cas de gale et de scarlatine. En 1932, la Ville de Montréal concédait la partie sud du terrain pour l’érection de l’hôpital Pasteur (CHSLD J-Henri Charbonneau), rue Sherbrooke. L’ouverture de cet hôpital spécialisé dans le traitement de la tuberculose, au nouvel an 1934, allait transformer le vieil hôpital derrière en annexe. Les activités de ce dernier cessèrent au début des années 1950. De 1956 à 1978, la Ville de Montréal y logea le refuge Meurling.

📷: Hôpital des varioleux d’Hochelaga, rue Moreau, vers 1899 (photo tirée de l’ouvrage Le diocèse de Montréal à la fin du dix-neuvième siècle)

Grippe espagnole: 1918

On a davantage d’information sur la grippe espagnole, même s’il n’y avait pas de santé publique. Selon un document du Conseil supérieur d’hygiène, «1074 municipalités, sur les 1 221 que la province contient, ont déclaré l’existence de la maladie».

Sur les 530 704 cas, 18 804 appartiennent à Montréal et 25 000 appartiennent à Québec. Sur les 13 880 décès, 3 496 sont survenus à Montréal et 441 à Québec.

Rapport du Conseil supérieur de l’hygiène

Il y a eu une quarantaine générale à Montréal. «Contrairement à la variole, qui ne faisait aucun doute en raison de l’apparence de pustules grotesques partout sur le corps, les symptômes de la grippe espagnole étaient plus pernicieux. C’est la raison principale qui explique ses ravages, car on la confondait avec le rhume», précise William Gaudry. 

Elles sont partout…

C’est le nom d’une étude de Magda Fahrni, professeure au département d’histoire de l’UQAM, publiée en 2004 dans la Revue d’histoire de l’Amérique française. «Nous examinons d’abord les efforts des infirmières, des religieuses et des bénévoles pour soigner les malades et les mourants. Nous démontrons que ces efforts ont donné à certaines Montréalaises un rôle dans la ville qui était non seulement « public », mais aussi publiquement reconnu. Leur travail fut doté d’une importance civique ; ces femmes étaient partie prenante dans la ville et dans la santé civique», mentionne le résumé de l’étude.

En raison de l’épidémie, les autorités municipales et médicales fermèrent les écoles, les universités, les cinémas, les théâtres, les salles de danse et les salles de quilles. 

Elles sont partout, Magda Fahrni, 2004

Dans plusieurs écrits de l’époque, le discours répandu faisait état de «l’héroïsme féminin». On reconnaissait l’apport du travail des femmes: infirmières, bénévoles, religieuses, qui venaient en aide aux populations vulnérables et soignaient les malades.

C’est d’ailleurs, selon l’étude, à la suite de cette grande épidémie, que de nombreux programmes sociaux ont vu le jour, comme le Conseil canadien du bien-être de l’enfance (fondé en 1920), le Département de santé du gouvernement fédéral (fondé en 1919). Au provincial, on a voté la Loi de l’Assistance publique en 1921 et réorganisé le Conseil supérieur d’hygiène de la province de Québec en 1922.

«La prise de conscience des questions de la pauvreté et de la santé publique par certaines femmes réformatrices ou professionnelles ne fut d’ailleurs sûrement pas étrangère à ces développements étatiques.»

Elles sont partout, Magda Fahrni, 2004

William Gaudry m’a donné une liste de certains hôpitaux spécialisés dans les quarantaines et le traitement de maladies contagieuses dans l’Est de Montréal au fil des années:

  • Hôpital des varioleux d’Hochelaga: variole, scarlatine, gale, tuberculose (DISPARU)
  • Hôpital Pasteur (CHSLD J-Henri Charbonneau): tuberculose 
  • Institut Grace Dart, rue Sherbrooke: tuberculose, poliomyélite
  • Hôpital juif de l’Espérance, rues Curatteau et Sherbrooke: tuberculose, scarlatine, poliomyélite (DISPARU)
  • Hôpital Rosemont: tuberculose
  • Hôpital Sainte-Thérèse du complexe L.-H.- La Fontaine: tuberculose (DISPARU)
  • Hôpital de la Providence à Montréal-Est: tuberculose, scarlatine, gale, poliomyélite (DISPARU)

Sources:
Rapport du Conseil supérieur d’hygiène
Bibliothèque et archives nationales du Québec

« Elles sont partout… »
Les femmes et la ville en temps d’épidémie, Montréal, 1918-1920, Magda Fahrni, Revue d’histoire de l’Amérique française, 2004,

Grippe espagnole: la grande tueuse
Québec Science

Montréal, ville fermée
La Presse

Grippe espagnole : 100 ans plus tard, la « grande tueuse » peut-elle ressurgir?
Radio-Canada

Montréal au temps de la grippe espagnole
Le Devoir

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