Dans les années 1980, une impressionnante murale de cuivre installée au CHSLD Éloria-Lepage est vandalisée à l’acide. Quarante années durant, l’œuvre – partie du patrimoine québécois – reste affichée, abîmée, dans la salle à manger du centre d’hébergement. Alors qu’on s’apprêtait à la démonter, le sort en a décidé autrement.
En 2020, Barbara Nelson est nommée coordonnatrice du CHSLD Éloria-Lepage. Son arrivée est déterminante pour le destin de la murale vandalisée. Soucieuse d’améliorer la qualité du milieu de vie et sans connaître l’artiste, elle souhaite assurer la restauration de l’œuvre.
L’artiste inconnu
Entre en jeu Manon Labrosse. La doyenne de l’équipe des communications implique une évaluatrice d’art dans les démarches et met la main sur un document important : la liste des œuvres d’art réalisées dans le cadre de la Politique d’intégration des arts dans la région de Montréal entre 1961 et 2021.
La Politique prévoit qu’un pourcentage du budget de construction d’un bâtiment ou d’aménagement d’un site public doit être dédié à la réalisation d’œuvres d’art précisément conçues pour ceux-ci.
Gouvernement du Québec
À côté du nom de l’établissement, figure le nom de Gilles Boisvert. L’artiste de la murale, inconnu jusque-là, est retrouvé ! Barbara déniche son numéro et communique avec lui. Avec Gilles Lauzé, son acolyte qui a laqué les modules de la murale quelques décennies plus tôt, Gilles Boisvert est prêt à prendre part à la restauration.
C’est le cas de le dire, les étoiles sont enlignées. Le budget de la restauration est débloqué ‒ merci à Hugo Ouellet et à Éric Potier, des Services techniques. Les opérations sont lancées ! Le 23 novembre, au grand bonheur des usagers et du personnel, l’œuvre restaurée est finalement réinstallée dans la grande salle du CHSLD. Cette fois-ci, l’artiste l’intitule « C’est la vie ! ».
« Je suis fière d’avoir contribué, en tant qu’immigrante, à la restauration d’une œuvre faisant partie du patrimoine québécois. »
Barbara Nelson
« C’est la vie ! », une œuvre de Gilles Boisvert
Aujourd’hui, pour Le Fil, Gilles Boisvert revient sur son parcours et nous parle de l’œuvre commandée par le gouvernement du Québec en 1983. « Tout ce que je faisais, à cette époque, était très proche de la vie de tous les jours. Ce qu’on y voit, ce sont de gens qui déambulent, qui se promènent. Des personnages de toutes les générations y sont répétés pour donner cette impression de temps qui passe », explique l’artiste peintre et graveur.
L’octogénaire, qui est passé par l’École des beaux-arts de Montréal et a étudié la gravure et la lithographie auprès du grand Albert Dumouchel, me raconte tout le travail accompli : « La création de cette murale représente une année complète de travail à temps plein. Ce sont 2 000 livres de cuivre avec lesquels j’ai travaillé pour créer cette œuvre qui mesure 38 pieds de long lorsqu’elle est pliée et 54 pieds quand elle est dépliée. »
Je suis un travailleur comme les autres, un travailleur de la culture. Ça a été un crève-cœur pour moi d’apprendre les actes de vandalisme.
Gilbert Boisvert
Pour Gilles, qui est l’avant-dernier d’une famille de 10 enfants, l’art dans les milieux de vie pour personnes âgées est nécessaire : « J’ai cette image de gens qui vivent longtemps et se retrouvent en CHSLD. Qu’il y ait des œuvres comme “C’est la vie !”, qui les ramènent à la vie qui continue, c’est important. »
À Barbara, Manon, Hugo et Éric, merci d’avoir donné une seconde chance à « C’est la vie ! ». À Gilles et Gilles, merci pour votre immense talent.
À lire aussi :