Rencontrez une employée en situation de handicap qui fait preuve d’une adaptabilité remarquable dans son travail.
Dans un premier temps, entendons-nous sur une définition commune de ce qu’est une personne en situation de handicap. Selon le Gouvernement du Québec, une personne handicapée est définie comme « Toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes. » Ce qui était le cas de Lynsay Charles lorsqu’elle a posé sa candidature, à l’été 2023, pour travailler au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.
Qu’est-ce qui différenciait le processus d’embauche de Lynsay de ses collègues? Rien, c’est le même pour tout le monde. La seule différence : Lynsay a pu bénéficier d’accommodements tout au long de ce processus.
Daniel Groulx, son chef de service, souligne qu’elle correspondait parfaitement au profil recherché : « handicap ou pas, son curriculum et ses compétences ont fait la différence. »
Aujourd’hui, Lynsay est technicienne en administration au Service d’acquisition de talents à la Direction des ressources humaines. Son rôle? Mener des entrevues pour doter différents postes du CIUSSS-EMTL. Sa signature? Son enthousiasme et son énergie débordante.
Un processus d’embauche inclusif
Malentendante, Lynsay témoigne d’un processus d’embauche respectueux et adapté. D’emblée, elle s’est déclarée en situation de handicap. « J’ai coché oui, dès que j’ai rempli le questionnaire. Tout s’est fait par vidéo et par voies électroniques. Pour les entrevues de sélection, ils m’ont donné la possibilité d’utiliser la transcription sur Teams. »
Elle souligne l’importance que peuvent apporter certains accommodements simples, comme le recours à un logiciel de notation et la possibilité de communiquer par courriel plutôt que par téléphone.
Daniel précise : « Plusieurs gestionnaires croient qu’il est compliqué de bien intégrer ou d’outiller une personne en situation de handicap, alors que ce n’est pas le cas. Il suffit de prendre le temps de discuter avec la personne, d’être à l’écoute et de se mettre en mode solution. » Dans le cas de Lynsay, son audiologiste lui avait recommandé une application qui permet de transcrire en direct les conversations.
Les défis du quotidien
« Je suis malentendante, pas complètement sourde. Donc j’entends les gros bruits. Mon défi, c’est surtout les gens qui ne parlent pas fort ou qui n’articulent pas assez », explique Linsay. Pour elle, l’ouverture et la communication sont essentielles : « Je n’hésite pas à exprimer aux autres la meilleure façon d’échanger avec moi. »
Un accueil chaleureux
Dès son arrivée, la recruteuse a été accueillie avec bienveillance. « Daniel avait averti le groupe, et je me suis présentée en leur disant que j’étais malentendante et que j’allais peut-être leur demander de répéter », dit-elle avec un petit rire. Sa bienveillance a permis de créer un climat de confiance, essentiel au sein de son équipe. Résultat, Lynsay s’occupe de l’embauche dans le volet des métiers : préposés au service alimentaire et à l’entretien ménager.
« Malgré mon handicap, on me donne la possibilité de faire les entrevues, souligne-t-elle avec un grand sourire. J’ai beaucoup apprécié cette marque d’ouverture, surtout que j’adore le côté relationnel de mon travail. » Daniel renchérit : « Elle est toujours intéressée par les nouveaux projets, elle est aimée par ses collègues. Bref, ne l’enlevez pas de mon équipe! » termine-t-il en riant.
Un employeur engagé
La recette du succès est simple : il faut résoudre les obstacles aux services d’aide et d’assistance et créer des dispositions favorables à l’employé en situation de handicap.
Le CIUSSS-EMTL ne se contente pas d’en recruter : il s’engage également à faire leur intégration. L’organisation s’appuie sur le Plan gouvernemental d’action à l’égard des personnes handicapées (PAPH). Il implique toutes les directions qui sont appelées à poser des actions concrètes. Tous les organismes publics doivent de se doter d’un PAPH et le rendre public.
Tous les environnements de travail au sein du CIUSSS-EMTL ne peuvent être adaptés, car certains handicaps ne conviennent pas à certains types de professions. L’analyse se fait au cas par cas pour des mesures d’accommodement. « Nous avons un comité pour les personnes en situation de handicap et nous cherchons davantage de candidats. Et devinez qui en fait partie… Lynsay! » explique Daniel. « On a demandé des volontaires pour former une équipe. Notre objectif, c’est d’augmenter le nombre d’embauches dans l’organisation et de nous assurer qu’ils seront bien intégrés dans leur milieu. »
Pour le personnel du Service d’acquisition de talents, il est essentiel que chacun se sente à l’aise de se déclarer. « On veut les encourager à s’autodéclarer pour faciliter leur insertion au travail », confirme Lynsay. Présentement, seuls 62 employés l’ont fait, soit 0,4 % de la force de travail du CIUSSS-EMTL.
« L’autodéclaration constitue un véritable enjeu, souligne Lynsay. Pour le faire, ils doivent simplement remplir le formulaire d’auto-identification qui est transmis à l’embauche au début du processus. » Les personnes en situation de handicap aspirent à être intégrées, plutôt qu’ostracisées. Ayant appris à vivre avec leur condition, elles se perçoivent comme normales et redoutent les discriminations. Dès lors, la nécessité de se déclarer leur apparaît souvent superflue. Pour Daniel, c’est le moment parfait de saisir l’occasion : « Il n’est jamais trop tard pour s’autodéclarer comme Lynsay l’a fait, précise-t-il. Soyez assurés que vos informations resteront totalement confidentielles. »
« L’intégration positive est la meilleure façon d’augmenter la rétention du personnel en situation de handicap, » explique Daniel. Incidemment, plusieurs études ont examiné leur productivité et leur performance. Par exemple, le rapport sur le handicap (2011) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne qu’elles sont aussi productives, si ce n’est plus, que leurs pairs. De son côté, l’Association américaine des personnes handicapées (ADA) a mentionné qu’elles sont souvent plus motivées et qu’elles démontrent un engagement fort envers leurs tâches, ce qui contribue à leur efficacité.
Un engagement au-delà du travail
Consciente des défis que rencontrent les personnes en situation de handicap, Lynsay consacre également de son temps au tutorat à l’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs (AQEPA). « Cela fait quatre ans que je fais ça. Je trouve ça tellement intéressant de rassurer les parents et de leur apporter un soutien, » dit-elle avec enthousiasme.
Le parcours de Lynsay démontre que la collaboration, l’ouverture d’esprit et l’engagement sont les clés d’un environnement de travail inclusif et dynamique.
