En réponse à l’engorgement critique des urgences montréalaises, deux cliniques d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) ont vu le jour, dont l’une sur notre territoire. Dans le cadre de l’ouverture de la Clinique IPS au CLSC Olivier-Guimond, Nadine Belony, infirmière praticienne spécialisée et présidente du Conseil des infirmiers et infirmières (CII), nous livre ses impressions en se prêtant au jeu des trois questions.
Quelle a été ta réaction à l’annonce de la mise en place d’une clinique IPS au CLSC Olivier-Guimond ?
Je suis très contente parce que l’expertise, c’est une chose dont je parle beaucoup au CII. Dans les médias, présentement, avec la situation difficile, quand on parle des infirmières, la lumière est mise sur les conditions de travail. L’ouverture de la clinique IPS permet vraiment de mettre l’expertise en science infirmière de l’avant.
En tant qu’IPS, on travaille déjà en GMF, dans les CLSC et en clinique privée. L’ouverture de cette clinique s’inscrit donc en continuité avec ce qui existe déjà en première ligne. Tous les problèmes de santé ne requièrent pas de voir un médecin. Ce qu’on vise tous, c’est que le patient soit vu par le bon professionnel, au bon endroit. Cela permet aux médecins de prendre en charge les patients aux problématiques plus complexes pour lesquelles ils ont été formés et à l’expertise infirmière de contribuer à sa pleine mesure.
Si tu retournes en arrière, au moment où tu faisais ton baccalauréat en sciences infirmières, est-ce que tu aurais pu penser que se produirait cette évolution du champ de pratique de l’infirmière ?
À ce moment-là, on lisait déjà ce qui se faisait ailleurs. Aux États-Unis ou en Ontario, il y avait des cliniques d’infirmières praticiennes spécialisées. Au Québec, les premières IPS ont obtenu leur diplôme en 2006. L’évolution de leur rôle a suivi un long processus car cela devait passer par le changement de la loi.
Depuis 25 janvier 2021, l’adoption de la Loi 6 a donné de nouvelles responsabilités aux infirmières praticiennes spécialisées. Ça va faire six ans que je suis IPS. Quand j’ai commencé dans la pratique, les IPS ne pouvaient pas poser de diagnostic, seulement des hypothèses de diagnostic. Quand on devait prescrire des examens et des médicaments, on était limitées par une liste.
Aujourd’hui, on peut diagnostiquer en fonction de notre classe de spécialité. On peut, par exemple, faire le suivi de grossesse de façon autonome, prescrire un plan de traitement en fonction d’un diagnostic posé. Déjà là, on voit comment ça améliore l’accessibilité aux soins pour les patients. On contribue à offrir plus de soins et on bénéficie d’une plus grande autonomie dans notre rôle. On le sait, notre réseau est engorgé, ça devient encore plus important d’utiliser tous les professionnels à leur pleine capacité et de mettre à profit leur champ de compétences.
Crois-tu que le rôle de l’IPS commence à être compris en général ?
Lorsque je suis arrivée en GMF à titre d’IPS, la secrétaire à l’accueil me présentait comme une super infirmière. C’était il y a six ans. On n’utilise plus ce terme, on parle maintenant des IPS. Est-ce que notre rôle est bien compris ? C’est certain que si l’on utilise uniquement l’acronyme IPS, cela aide moins à la compréhension. C’est important pour moi de me présenter aux gens ou à mes patients comme une infirmière praticienne spécialisée. Souvent, cela les amène à poser des questions et c’est chaque fois une occasion de faire rayonner l’expertise en sciences infirmières.